Cahiers franco-canadiens de l'Ouest
Volume 34, Number 1-2, 2022 Second souffle – des passeurs de mémoire pour Gabrielle ROY
Table of contents (23 articles)
Articles
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Gabrielle, gardienne de l’horizon (drame en quatre actes)
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Toposémie, topos et figure imaginaire : à propos de La route d’Altamont de Gabrielle Roy
Jean Valenti
pp. 55–104
AbstractFR:
Cet article porte sur les conditions d’émergence d’une figure imaginaire dans le cadre de l’acte de lecture. Il vise à montrer selon quelles modalités toute figure s’ouvre sur une expérience esthétique singulière. L’auteur insiste d’abord sur le rôle des processus sémiotiques cognitif, argumentatif, affectif et symbolique en jeu dans tout acte de lecture; il montre ensuite que leur interaction implique une dialectique entre les modes topologique et analogique de la signification lorsqu’il est question de lecture littéraire. Le va-et-vient entre ces modes appelle une description du cadre notionnel nécessaire à l’émergence d’une figure en lecture littéraire: complexité, mémoire, imagination et série scalaire. Une analyse menée sur une séquence narrative de La route d’Altamont de Gabrielle Roy permet de comprendre, d’une part, l’interaction des processus sémiotiques impliqués au plan topologique de la signification et de mettre en relief, d’autre part, les fondements discursifs indispensables à l’émergence d’une figure imaginaire. La dernière partie de l’article propose, notamment sous le signe de l’alchimie et du saturnisme, la cristallisation d’une telle figure autour des rapports entre la jeunesse et la vieillesse.
EN:
The present article discusses the conditions necessary for the emergence of an imaginary figure during the act of reading. It intends to demonstrate the modalities by which any figure invokes a unique aesthetic experience. The author first emphasises the role of cognitive, argumentative, affective and symbolic semiotic processes; he then demonstrates how, in the context of literary reading, this interaction implies a dialectic between topological and analogical modes of signification. The give and take between these modes calls forth a description of the notional context necessary for the emergence of a figure during literary reading: complexity, memory, imagination and scalar series. The analysis of a narrative sequence from Gabrielle Roy’s La route d’Altamont serves, on the one hand, to advance understanding of the interaction between the semiotic processes implicated in signification at the topological level and, on the other, to identify the discursive foundations required for the emergence of an imaginary figure. With specific reference to alchemy and lead poisoning, the final section of the article outlines the crystallisation of such a figure in the context of relations between youth and old age.
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L’anthropomorphisme dans les contes pour enfants de Gabrielle Roy
Carol J. Harvey
pp. 105–118
AbstractFR:
The four children’s stories in Gabrielle Roy’s collection Contes pour enfants («Ma vache Bossie», «Courte- Queue», «L’Espagnole et la Pékinoise» et «L’Empereur des bois») all focus on either domestic or wild animals. However, she often uses the literary technique of anthropomorphism, attributing human characteristics to the animals in her stories. This article aims to show the wide variety of narrative perspectives that Roy deploys by means of realistic or imaginary settings, human or animal protagonists, and interactions between humans and animals. Each story’s origin at a different point in Roy’s career is investigated, as well as its intentionality: was her children’s fiction simply entertainment or did she have didactic or ideological objectives?
EN:
Les quatre récits recueillis dans les Contes pour enfants de Gabrielle Roy («Ma vache Bossie», «Courte-Queue», «L’Espagnole et la Pékinoise» et «L’Empereur des bois») sont tous centrés sur des animaux familiers, domestiques ou sauvages. Cependant, le langage figuré verse souvent dans l’anthropomorphisme, attribuant aux animaux des caractéristiques propres aux êtres humains. Il s’agit dans cet article de faire ressortir la richesse et la variété des perspectives narratives dont Roy fait preuve: cadre réel ou imaginaire, protagonistes humains ou animaux, et interactions entre êtres humains et animaux. Nous nous interrogeons sur la genèse des contes, chacun composé à une époque différente, ainsi que sur leur finalité: à côté de ses buts ludiques, Roy aurait-elle aussi des intentions didactiques ou idéologiques?
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Le Québec dans l’oeuvre de Gabrielle Roy
Yvon Le Bras
pp. 119–128
AbstractFR:
Dans sa biographie intitulée La détresse et l’enchantement, publiée à titre posthume, Gabrielle Roy révèle sans détours la condition ambiguë qui a été la sienne en tant que Canadienne française née hors du Québec. Bien qu’il ne soit guère question de la province d’origine de ses parents dans ses romans et recueils de nouvelles, elle y fait référence dans les récits autofictionnels qu’elle consacre à sa jeunesse au Manitoba tels que Rue Deschambault, La route d’Altamont et Un jardin au bout du monde. Importante composante de sa vie intérieure, l’image du Québec qui se dessine dans ces écrits ne reflète néanmoins en rien la réalité proprement dite, mais sert à connoter les thèmes de la nostalgie des origines et de l’impossible retour à un état d’innocence qui sont au coeur de l’oeuvre de Gabrielle Roy dans son ensemble.
EN:
In her biography entitled La détresse et l’enchantement, published posthumously, Gabrielle Roy openly reveals the ambiguous situation that she experienced as a French Canadian born outside of Québec. Although her parents’ native province is rarely mentioned in her novels and short stories, she refers to it in autofictional narratives about her youth in Manitoba such as Rue Deschambault, La route d’Altamont, and Un jardin au bout du monde. An important component of her inner life, the image of Québec that appears in these writings does not, however, reflect reality per se, but serves to connote the themes of the nostalgia for one’s origins and the impossible return to a state of innocence that are at the core of Gabrielle Roy’s work as a whole.
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Notre plaine et les leurs... : images du Manitoba et de la France chez Gabrielle Roy
Nathalie Dolbec
pp. 129–148
AbstractFR:
Entre la plaine canadienne («Le Manitoba»), où une eau sage nourrit à la fois d’abondantes récoltes et d’adorables mirages, et les finistères salins de Bretagne («Sainte-Anne-la-Palud») et de Camargue («La Camargue»), plaines gorgées d’une «eau malsaine», Fragiles lumières de la terre évoque non seulement la distance physique entre deux continents mais celle aussi entre le paradis enfantin revisité, niché au «milieu du monde», et deux espaces saumâtres, excentrés, à la fois marqués par la guerre et voués à la pire modernité. Notre étude des modes d’organisation interne du descriptif dans ces trois reportages va privilégier trois opérations recensées par les théoriciens: l’ancrage, la reformulation et l’assimilation. L’examen de l’ancrage, celui surtout du mot-légende qui accompagne le thème-titre, permet ici d’assigner au descriptif une fonction positionnelle qui l’indexe à un genre spécifique: l’idylle pour «Le Manitoba», l’élégie pour «Sainte-Anne-la-Palud» et «La Camargue». Mais le marquage générique initial des trois textes est remis en question à travers l’opération de reformulation. La description idyllique du Manitoba débouche sur une conclusion saumâtre, rejoignant ainsi l’esprit des deux autres, qui, à leur tour, vont glisser de l’élégie à la polémique. Or, ce dernier mot va retrouver son sens originel lors de l’étude des opérations d’assimilation: comparaisons et métaphores s’organisent ici en allégories de la guerre et de la paix. La gestion de ces trois opérations descriptives dans les textes à l’étude appelle la métaphore camusienne de l’exil et du royaume. À première vue, la plaine manitobaine figure le royaume; celles du Finistère breton et de la Camargue représentent l’exil. Mais ce royaume qu’est le Manitoba n’est pas à l’abri de l’amertume. Une prise de conscience s’impose: nul royaume, fût-il paradis d’enfance, n’est désormais dissociable de l’exil.
EN:
Between the Canadian plains (“Manitoba”), where fresh water simultaneously nourishes abundant crops and charming mirages, and the saline land’s ends of Bretagne (“Sainte-Anne-la-Palud”) and of Camargue (“The Camargue”), plains soaked with “unwholesome water,” Fragiles lumières de la terre evokes not only the physical distance between two continents but also the distance between the child’s paradise revisited, nestled at the “axis of the world,” and two brackish spaces, which are at land’s end, both marked by war and representative of the worst aspects of modernity. Our analysis of the internal modes of organization of the descriptions in these three articles will focus on three operations studied by theoreticians: anchoring, reformulation and assimilation. The study of anchoring, especially the one of the legend-word which accompanies the title-theme, allows for the designation of a positional function for the descriptions, which ties them to a specific genre: the idyll for “Manitoba,” and the elegy for “Sainte-Anne-la-Palud” and “The Camargue”. But the initial genre labelling of the three articles is called into question by the operation of reformulation. The idyllic description of Manitoba ends with a brackish conclusion, thus rejoining the spirit of the other two, which in turn move from elegy towards a polemic tone. The latter term takes on its full meaning in the study of the operations of assimilation, where similes and metaphors take the form of war and peace allegories. The manipulation of these three descriptive operations in the texts evokes Camus’ metaphor of exile and the kingdom. At first glance, the plains of Manitoba appears as the kingdom, while those of Bretagne’s Finistère and the Camargue represent exile. But this kingdom that is Manitoba is not free of bitterness. One realizes that no longer can a kingdom, even a child’s paradise, be separated from exile.
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Espace et asservissement dans La route d’Altamont de Gabrielle Roy
Louise Renée
pp. 149–158
AbstractFR:
La route d’Altamont est un hommage à la créativité féminine, mais, en même temps, une critique de l’asservissement de la femme. Toute reconnaissante qu’elle soit des dons artistiques octroyés par ses aïeules, Christine rejette cependant le rôle traditionnel que ses muses lui proposent. L’histoire tracée à l’avance pour la femme, c’est le mariage, la maternité, le service domestique, c’est-à-dire le sacrifice de soi, l’abnégation de toute aspiration personnelle. Selon Christine, cette vie entraîne un rétrécissement de l’être, et elle associe constamment sa mère et sa grand-mère à un espace restreint qui la rend claustrophobe. Par exemple, tandis que Christine est en train de contempler le vaste lac Winnipeg, sa mère est terrée au fond d’une cave sombre à l’odeur de moisi. L’espace limité de la vie domestique symbolise la prison mentale dans laquelle se trouve la femme asservie. Par contre, l’espace ouvert représente les infinies possibilités du destin féminin. En quittant son pays et en devenant romancière, Christine va à l’encontre des attentes sociales qui pesaient sur les femmes surtout à cette époque-là. Le voyage, l’aventure, le déplacement, le départ vers l’inconnu – tout ce qui ouvre l’espace –, c’est le rejet de l’asservissement traditionnel de la femme. Le récit de Christine n’adopte nullement le ton de la révolte, qui était alors interdit à la femme. Dans Writing a Woman’s Life, Carolyn Heilbrun explique que les femmes adoptaient souvent un ton nostalgique, qui est la forme atténuée de la colère.
EN:
The Road Past Altamont is both a homage to feminine creativity and a criticism of the subservience of women. Although she acknowledges the artistic gifts her foremothers have handed down to her, Christine rejects the traditional role espoused by her muses. Preordained for women are marriage, motherhood, and domestic service, with their self-sacrifice and denial of all personal aspiration. For Christine, living such a life means living a shrunken life, and she constantly associates her mother and grandmother with a confined and claustrophobic space. While, for example, Christine is contemplating the vastness of Lake Winnipeg, her mother is hidden away in the depths of a dark, dank-smelling cellar. The constricted space of domestic life symbolises the mental prison inhabited by a woman enslaved. On the other hand, open space represents the infinite possibilities of woman’s destiny. In leaving her community and becoming a novelist, Christine goes against the social expectations that burdened women, especially at that time. Travel, adventure, setting off for the unknown – everything that allows space to expand – entail rejecting the traditional subservience of women. Christine does not adopt a rebellious tone in her narrative, for that was forbidden to women of the time. In Writing a Woman’s Life, Carolyn Heilbrun explains that women often adopted a nostalgic tone, which is the soft voice of anger.
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« Le vieillard et l’enfant » : le scénario de Gabrielle Roy
Michel Larouche
pp. 159–173
AbstractFR:
Cet article étudie l’adaptation à l’écran, par Claude Grenier, de la nouvelle «Le vieillard et l’enfant» de Gabrielle Roy, en tenant compte de l’étape-clé du «processus transformationnel», le scénario de Clément Perron. Il s’attarde longuement aussi à l’étude du scénario inédit écrit par Gabrielle Roy elle-même, développant une réflexion sur les rapports entre littérature et cinéma et le problème de la «transmédiatisation».
EN:
This article studies Claude Grenier’s film adaptation of “Le vieillard et l’enfant”, the short story by Gabrielle Roy, including the key stage of the “transformational process”, namely Clément Perron’s screenplay. The article also examines in more detail the unpublished screenplay written by Gabrielle Roy herself and reflects on the relationship between literature and film, as well as the whole question of “transmediatization”.
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Les mots du corps dans Alexandre Chenevert ou l’envers de la communication avortée
Céline Tanguay
pp. 175–196
AbstractFR:
Depuis sa parution, Alexandre Chenevert a régulièrement fait l’objet d’études dites «psychologiques». La dimension corporelle du héros, pourtant traduite par la narration, a longtemps été laissée pour compte. Que dit, au sens propre et littéral, le corps d’Alexandre? Voilà la question à laquelle cet article répond, en partie. Par une lecture sémiotique du corps – vu comme un émetteur de signes communicants –, dont les principes méthodologiques sont explicités, nous cernons d’abord l’attitude comportementale du protagoniste en rapport avec différents personnages, nous dégageons ensuite les conditions d’existence de telle ou telle conduite et nous établissons, concurremment, la poétique du non-verbal chez Gabrielle Roy dans ce roman. Nous étudions trois extraits: l’avant-midi de travail de notre héros à la banque, le dîner avec Godias et la rencontre avec Émery Fontaine. Notre analyse nous amène à conclure que l’étiquette de «victime» ne convient pas toujours à Alexandre et, s’il arrive qu’elle lui colle à la peau, c’est qu’il se trouve face à des gens imbus du langage de la propagande, de la publicité trompeuse, de l’information, langage qui pullule dans le roman et dont il faut constamment se méfier, se répète le caissier montréalais. L’aliénation du personnage se trouve encore prouvée, mais le langage du corps, pour Alexandre, constitue un moyen d’y échapper.
EN:
Since it was first published, Alexandre Chenevert (The Cashier) has regularly been studied from the so-called “psychological” perspective while the hero’s bodily dimension, as revealed through the narrative, has long been ignored. But what literally and properly can be said about Alexandre’s body? The aim of our paper is to answer this question, at least in part. Through a semiotic reading of the body seen as a vector of communicative signs, for which we provide the methodological principles, we first of all define the protagonist’s behavioural attitude in relationship to other characters in the novel. Secondly, we isolate the conditions behind the existence of various behaviours. Finally, and concurrently, we establish the poetics of the non-verbal in Gabrielle Roy based on three extracts, i.e. chapters two, three and five of the first part of the novel. Our analysis leads us to conclude that labelling Alexandre as a “victim” is not always appropriate. Although the label appears to fit, Alexandre is confronted with people who are permeated with the language of propaganda, false advertising and information. This language abounds in the novel and the Montreal cashier tells himself he must constantly be on his guard against it. The character’s alienation is subjected to yet another trial but, for Alexandre, body language is a way to escape it.
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Le secret de La montagne secrète : une quête de la mère
Sylvie Lamarre
pp. 197–215
AbstractFR:
Grâce à une lecture inspirée conjointement par l’approche psychanalytique et la critique au féminin, cet article réintègre La montagne secrète dans l’ensemble de la production royenne où il faisait jusqu’ici figure d’anomalie, principalement à cause de son héros masculin et, surtout, à cause de l’absence quasi totale de personnages féminins et de cellules familiales. Par le décodage du symbolisme particulier à la romancière, est mis au jour ce qui se cache sous l’intrigue de surface, c’est-à-dire un roman familial au féminin qui s’apparente principalement à celui qui structure les récits à caractère autobiographique de Gabrielle Roy et qui rejoint même celui d’écrits féministes des années 1970, tels ceux des Jovette Marchessault, Madeleine Gagnon et Louky Bersianik. Cet article souligne d’abord que les figures de Nina et du vison permettent à Roy une dénonciation de l’appropriation des femmes; il montre ensuite que, derrière la quête de la Montagne entreprise par le héros, se dissimule celle de la mère préoedipienne, de la mère non aliénée par la culture. Ainsi, en affirmant que la relation mère-fille a tout simplement été refoulée, cette analyse réhabilite du même coup La montagne secrète aux yeux de la critique au féminin pour qui il constituait la pierre d’achoppement à la thèse voulant que Roy pratique une écriture au féminin grâce à sa vision de l’intérieur de l’expérience féminine.
EN:
Through a reading based on both the psychoanalytical approach and feminist criticism, this article reinstates La montagne secrète (The Hidden Mountain) into the overall body of Gabrielle Roy’s work where, until now, it appeared as an anomaly. This is mainly due to the fact the novel’s hero is male but, more importantly, because of the virtually total absence of female characters and family units. By decoding the novelist’s specific symbolism, the hidden aspect of the surface plot is revealed, i.e. this is a family novel written from a woman’s perspective and it is closely linked to the writing that frames Roy’s autobiographical stories, and also to feminist works in the 1970’s, such as those of Jovette Marchessault, Madeleine Gagnon and Louky Bersianik. This paper first of all demonstrates that the figures of Nina and the mink allow Roy to expose the appropriation of women. It also shows that, behind the hero’s search for the Mountain, there is a hidden quest for the pre-Oedipal mother, of the mother unalienated by culture. By affirming that the mother-daughter relationship has simply been repressed, our analysis rehabilitates La montagne secrète in the eyes of feminist critics for whom the novel constituted a stumbling block to the argument that Roy wrote from a woman’s perspective, as evidenced by her vision of the inner feminine experience.
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La poétique de l’alimentation dans Bonheur d’occasion
Janet M. Paterson
pp. 217–234
AbstractFR:
Cet article a pour objectif de dégager la poétique de l’alimentation dans Bonheur d’occasion de Gabrielle Roy, en analysant les scènes principales où la nourriture détient une fonction sémiotique selon les rubriques suivantes: 1) le signe alimentaire; 2) l’espace de l’alimentation; 3) le personnage; 4) la fonction communicative. Le discours alimentaire génère des signifiés sociaux et mythiques qui sont régis par le même principe organisateur, à savoir l’opposition. En établissant une série de contrastes et d’incompatibilités, ce principe met en lumière les divergences et les fissures du système économique et symbolique qui sous-tend le roman.
EN:
This paper seeks to establish the poetics of food in Gabrielle Roy’s Bonheur d’occasion (The Tin Flute). The author analyses the principal scenes where food has a semiotic function according to the following typology: (1) food sign; (2) place; (3) character; (4) communicative function. The culinary discourse generates social and mythical meanings which are governed by one principal structure, i.e. opposition. By establishing a series of contrasts and incompatibilities, this structure reveals the gaps and inequalities which underlie the economic and symbolic systems of the novel.
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Gabrielle Roy : évolution d’un style narratif
Linda M. Clemente
pp. 235–253
AbstractFR:
Avant l’écrivain vint la journaliste. Avant l’arrivée éclatante, en 1945, de son premier roman, Bonheur d’occasion, vint le succès populaire d’une femme qui avait publié pendant six ans des articles dans les journaux et revues – d’abord de courtes chroniques puis graduellement des dossiers fouillés et réfléchis. François Ricard souligne toutefois une dichotomie entre les écrits journalistiques de Gabrielle Roy et son roman Bonheur d’occasion. En effet, ni Bonheur d’occasion ni d’ailleurs Alexandre Chenevert ne sont représentatifs du reste de son oeuvre. Bonheur d’occasion, qui a mis fin à trente-cinq ans d’indécision et qui a assuré à la romancière le succès artistique et financier nécessaire pour continuer son oeuvre, n’annonce aucunement le style ultérieur de celle-ci. Gabrielle Roy a laissé en chantier Alexandre Chenevert pour écrire La Petite Poule d’Eau, l’une de ses réalisations favorites. Ce deuxième roman de Roy, et non pas son premier, témoigne de la structure narrative qui lui est propre et qu’elle a conçue et raffinée dans ses articles parus dans Le Bulletin des agriculteurs. Il est vrai que les articles en question font aussi entrevoir les thèmes, les personnages et la présentation en profondeur qui ont caractérisé ses autres «romans». Toutefois, c’est sur la structure narrative de ces articles que nous avons concentré nos efforts dans la présente étude. De quel type de structure narrative s’agit-il? Nous avons regroupé en quatre thématiques, de façon assez libre, les articles dépeignant différents aspects du Canada. La structure employée, à savoir une série d’histoires autonomes portant sur un même thème ou sujet, est présente dans une grande partie de l’oeuvre de Gabrielle Roy et explique pourquoi on hésite à employer le terme «roman» pour désigner chaque histoire prise individuellement. Il s’agit d’un principe esthétique caractérisé par ses allers et retours, c’est-à-dire que les premières histoires préparent le terrain pour celles qui viendront et que les histoires suivantes reviennent sur les premières pour les commenter ou en développer davantage certains aspects. Ainsi, dans notre étude, nous analysons l’emploi de ce principe dans les écrits journalistiques de Gabrielle Roy, ce qui nous permet ensuite de tirer certaines conclusions générales sur son style narratif.
EN:
Before the novelist came the journalist. Before the overnight success of her first novel, The Tin Flute, came the popular success of a woman whose publishing evolved from brief columns to thoughtful, lengthy documentaries in newspapers and magazines from 1939 to 1945. François Ricard, however, points to a contradiction between Roy’s journalistic endeavors and The Tin Flute. The Tin Flute (and The Cashier) is not representative of Roy’s subsequent writing. The novel which ended 35 years of indecision and which assured Roy the artistic and monetary success to continue as a writer fails to herald her later publications. Roy interrupted her writing of The Cashier to publish Where Nests the Water Hen, one of her favourite works. This second “novel”, and not the first, typifies Roy’s narrative structure, one that she invented and refined during her collaboration with Le Bulletin des agriculteurs. While her articles do anticipate the themes, characters and depth of presentation found in the later “novels”, it is the narrative structure of these documentaries that forms the subject of this study. What is this narrative structure? Articles which depict different aspects of Canada are loosely grouped into four different series. Such a structure, autonomous articles linked by theme and subject, forms the basis of most Roy’s works and explains the hesitancy to designate them as “novels”. The aesthetic principle of a self-reflexive narrative, where earlier stories anticipate later ones and where later stories comment and elaborate on what has come before, is analysed in some of Roy’s journalism in order to comment in general on her narrative style.
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Gabrielle Roy et l’espace éclaté
Carol J. Harvey
pp. 255–269
AbstractFR:
Le lecteur de l’oeuvre fictive de Gabrielle Roy reconnaît sans peine les noms de lieux, les paysages et d’autres éléments de la réalité manitobaine. À vrai dire, les jeunes années de l’auteur et sa carrière d’enseignante au Manitoba ont joué un rôle primordial dans plusieurs de ses écrits. Cet article examine certains aspects de son écriture dans le but de montrer comment les dimensions esthétique et thématique de son art, bien qu’inspirées par le Manitoba, dépassent le cadre étroit de l’espace réel.
EN:
Many readers of Gabrielle Roy’s fiction recognize the Manitoba place names, Prairie landscape and other elements of reality. Indeed the impact of Roy’s early years and career as a teacher in Manitoba is apparent in many of her works of fiction. This article examines various aspects of her writing, showing how, although both esthetic and thematic dimensions are inspired by Manitoba, her art transcends the original boundaries of time and space.
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Le discours schizophrène dans « Alicia » de Gabrielle Roy
Marie Bartosova
pp. 271–277
AbstractFR:
Dans la nouvelle «Alicia» tirée du recueil Rue Deschambault, Gabrielle Roy présente, par l’intermédiaire de la narratrice adulte Christine, le personnage de la petite Christine qui mime en quelque sorte sa soeur Alicia, atteinte d’une maladie mentale. Le discours artificiel de l’adulte, qui se marie à un discours enfantin tout aussi artificiel, possède néanmoins certaines caractéristiques du discours authentique des locuteurs schizophrènes: difficulté d’établir un lien avec le monde extérieur, usage d’anaphores et, à certains moments, emploi fréquent de liens lexicaux. Malgré son usage limité dans la nouvelle «Alicia», le discours schizophrène produit l’effet souhaité: protéger un personnage vulnérable, tout en le valorisant.
EN:
In “Alicia”, a short story from Rue Deschambault [Street of Riches], Gabrielle Roy presents, through the adult narrator Christine, the character of the little Christine who mimics in a way her sister Alicia, suffering from a mental illness. The former’s artificial discourse which goes hand in hand with just as artificial childish discourse possesses nevertheless certain characteristics of the authentic discourse of schizophrenic speakers: difficulty to establish a reference to the outside world, use of anaphoras, and at certain times, quite a frequent use of lexical ties. Even though the use of the schizophrenic discourse is limited in the above-mentioned short story, it produces well the desired effect: to protect a vulnerable character while increasing its standing.
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Du Moi au Soi, le voyage psychique de Sam Lee Wong : interprétation jungienne du symbole de l’horizon dans « Où iras-tu Sam Lee Wong ? » de Gabrielle Roy
Monique Crochet
pp. 279–291
AbstractFR:
L’image de l’horizon, fréquente, riche et complexe dans l’ensemble de l’oeuvre de Gabrielle Roy, est tout particulièrement significative dans la nouvelle «Où iras-tu Sam Lee Wong?», tirée du recueil Un Jardin au bout du monde paru en 1975. Appliquée à ce récit qui a, jusqu’à présent, peu attiré l’attention des critiques, la clé interprétative du symbole de l’horizon ouvre de nouvelles perspectives sur le sens de la vie de Sam Lee Wong. Se fondant sur la théorie jungienne des archétypes, l’analyse découvre, dans l’image de l’horizon, la manifestation métaphorique du processus d’individuation qui s’accomplit chez le protagoniste, c’est-à-dire le passage du Moi au Soi et l’intégration de la totalité psychique.
EN:
The image of the horizon, recurring frequently and rich with meaning in Gabrielle Roy’s work, is especially significant in the short story “Où iras-tu Sam Lee Wong?” published in the collection Un Jardin au bout du monde in 1975. This story, which has not received much critical attention up to now, benefits from being interpreted from the perspective of the image of the horizon. The purpose of this essay is to contribute to the understanding of Roy’s text by using C. G. Jung’s theory of archetypes, discovering in the horizon a metaphor for the process of individuation and the passage from the ego to the whole self.
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Ces enfants de ma vie : l’apprentissage de Gabrielle Roy
Paul Socken
pp. 293–308
AbstractFR:
Lors de la publication de Ces enfants de ma vie en 1977, Gabrielle Roy, âgée de 68 ans, s’était déjà fait une réputation mondiale. Cependant, elle médite dans ce recueil sur une époque lointaine de sa vie pendant laquelle elle dut affronter deux réalités en même temps: le passage de l’adolescence à l’âge adulte et de la carrière d’institutrice à celle d’écrivain. Ces changements représentaient pour elle la crainte d’une perte, perte de la jeunesse, de l’idéalisme et de l’espoir dans la vie. Elle se demandait également si l’art pouvait transmettre des messages importants sur la vie. En réfléchissant sur cette époque décisive, elle se rend compte que ce sont les enfants à qui elle enseignait qui lui ont donné le courage de prendre les décisions nécessaires. Le recueil constitue donc un témoignage du rôle capital qu’ont joué ses élèves à un moment critique de sa vie.
EN:
When Ces enfants de ma vie (Children of my Heart) was published in 1977, Gabrielle Roy was 68 years old and already had a world-wide following. In this collection, she reflects on a much earlier period of her life in which she had to face up to her progress from youth to adulthood and her transformation from teacher to writer. Throughout these changes, she was afraid of losing her youth, her idealism and her faith in life. She was equally concerned about the power of art to communicate the basic truths of life. Remembering this decisive time, she realizes that it was her own pupils who gave her the courage to make her vital decisions. The collection is a testimonial to the vital role that the school children played at a critical time in her life.
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Gabrielle Roy, institutrice : reportage et texte narratif
Carol J. Harvey
pp. 309–320
AbstractFR:
La comparaison d’un reportage de Gabrielle Roy, «Pitié pour les institutrices!» (1942), et de son recueil de nouvelles Ces enfants de ma vie, publié en 1977, permet de faire état de l’inspiration romanesque de l’auteur. Dans les deux, elle prend comme sujet d’écriture l’institutrice, s’inspirant de ses propres expériences d’enseignement au Manitoba. De plus, la condition de la femme fait partie de sa thématique. Quelques lignes du reportage qui constituent le portrait de «Mlle Estelle» semblent d’ailleurs contenir en germe l’histoire de Clair, «L’enfant de Noël», dans Ces enfants de ma vie. Malgré quelques différences, tout concourt à montrer la continuité de la création littéraire chez Gabrielle Roy et l’importance des éléments autobiographiques.
EN:
This paper compares a newspaper article written by Gabrielle Roy, «Pitié pour les institutrices!» (1942), and her book of short stories, Ces enfants de ma vie (Children of my Heart), published in 1977. The subject in both of these is the schoolteacher and Roy draws upon her own experience teaching in Manitoba schools. The status of women is also an important theme in both. As well, the portrait of Mlle Estelle in the newspaper article appears to be a pre-text for the story of Clair, «L’enfant de Noël», in Children of my Heart. Despite some differences, the continuity of Gabrielle Roy’s literary inspiration is obvious, as is the importance of her own life and work.
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La femme et la guerre dans Bonheur d’occasion de Gabrielle Roy
Andrée Stéphan
pp. 321–332
AbstractFR:
La relation des femmes et de la guerre dans Bonheur d’occasion de Gabrielle Roy est de première importance pour apprécier la signification fondamentale de l’oeuvre. Elle a même une large part dans la justification du titre. La Seconde Guerre mondiale constitue un arrière-plan constant du roman. Certes, la guerre est loin du Québec mais les phases du conflit et son extension suscitent des discussions passionnées, des engagements convaincus ou contraints, des dérobades égoïstes et lucratives. Mais, sur ces problèmes internationaux, les femmes prennent peu position; il semble d’usage, dans ce Québec des années quarante, que la femme soit incapable de toute réflexion politique et doive s’en tenir aux préoccupations individuelles ou familiales. Lorsqu’elles se trouvent confrontées malgré tout aux signes ou aux ravages de la guerre, les deux héroïnes de l’oeuvre y répondent de manière antagoniste, Florentine avec une futilité à peine perturbée, Rose-Anna, sa mère, avec effroi et compassion. Elles vont pourtant l’une et l’autre tirer quelque profit des tourments de l’époque. L’enrôlement de leur époux et leur départ vers l’Europe sont pour elles, bon gré mal gré, une aubaine; elles y trouvent la sécurité et une aisance qu’elles n’ont jamais connues. Mais elles ne peuvent jouir, malgré un sentiment de satisfaction plus ou moins refoulé, que d’un bonheur altéré, l’une dans le désenchantement de sa jeunesse et le durcissement de son coeur, l’autre dans le désarroi de sa tendresse blessée. «Le salut dans la guerre» ne peut être qu’un paradoxe amer.
EN:
The relationship between women and war in Bonheur d’occasion (The Tin Flute), written by Gabrielle Roy, is highly important to appreciate the basic meaning of the novel. This relationship contributes mainly to justify the title of the book. World War II is a constant background in this novel. War is not taking place in Québec, but conflict stages and extension bring up passionate discussions, selfish and lucrative evasions. But women scarcely adopt a position about international problems; in this Québec of the ‘40’s, women seem to be unable to have political thought, and care only about individual or familial problems. However, when they are faced with signs or ravages of war, they respond with an antagonistic attitude: Florentine with a hardly ruffled sense of futility, her mother Rose-Anna with fear and compassion. Nevertheless, both will gain some advantage from this period’s upheaval. Their husbands’ enlistment and departure to Europe are a boon to them, whether they like it or not; they discover a safety and freedom never experienced before. But in spite of a more or less repressed feeling of satisfaction, they can only enjoy a spoilt happiness, the former in her disenchantment with youth and the hardening of her heart, the latter in the confusion of her wounded tenderness. «Salvation through war» can only be a bitter paradox.
ES:
La relación de las mujeres y de la guerra en Bonheur d’occasion (Felicidad ocasional) de Gabrielle Roy, es de primera importancia para apreciar el sentido fundamental de la obra. Representa incluso una gran parte en la justificación del titulo. La segunda guerra mundial constituye un telón de fondo constante de la novela. La guerra está desde luego lejos del Québec, pero las fases del conflicto y su estensión suscitan discusiones apasionadas, empeños convencidos o forzados, escapatorias egoistas y lucrativas. Pero, respeto a esos problemas internacionales, las mujeres se comprometen poco; en el Québec de los años cuarenta, parece usual que la mujer sea incapaz de toda reflexión política y tenga que limitarse a las preocupaciones individuales o familiares. Cuando, a pesar de todo, se encuentran las dos protagonistas de la obra confrontadas a los signos y estragos de la guerra, reaccionan de una manera antagonista, Florentine con una apenas perturbada futilidad, Rose-Anna, su madre, con espanto y compasión. Sin embargo ambas van a aprovechar los tormentos de la época. El alistamiento de sus esposos y su salida hacia Europa constituyen para ellas, de buen o de mal grado, una oportunidad; les permite experimentar una seguridad y un desahogo, que nunca habian tenido. Pero solo pueden gozar, a pesar de un sentimiento de satisfacción mas o menos reprimido, de una felicidad alterada, una en el desencanto de su juventud, y el endurecimiento de su corazón, la otra en el desconcierto de su ternura herida. «La salvación en la guerra» solo puede ser una amarga paradoja.
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Du livre brûlé au livre ressuscité : le père face à quatre personnages féminins clés dans l’oeuvre royenne
Christina H. Roberts-van Oordt
pp. 333–347
AbstractFR:
Dans le présent article, nous regardons de plus près la fonction de la figure de la «petite soeur», lumière centrale de l’ensemble de l’oeuvre royenne et contrepartie de celle du père. Dédette et le père semblent en fait jouer tous les deux un rôle primordial dans la naissance et la réalisation de la vocation littéraire de Gabrielle Roy, ainsi que dans l’édification de son oeuvre. Tout d’abord, nous opposons la figure lumineuse de Dédette avec celle du père (né et élevé sous le signe de la détresse), pour ensuite mieux souligner la filiation étroite entre la grand-mère, la mère et les deux soeurs – Dédette et Gabrielle/Christine. Ces quatre personnages féminins clés semblent tous nés pour créer et transmettre le bonheur, grâce à leurs remarquables dons artistiques, et composent en fait une merveilleuse poupée russe, car Gabrielle Roy porte Dédette, sa mère et sa grand-mère en elle, et ses livres, comme les récits de la narratrice de La détresse et l’enchantement, les embrassent dans tous les sens du terme et deviennent autant de mises en abîme. On peut même dire que ces quatre âmes soeurs sont enchâssées les unes dans les autres à l’instar des récits auxquels elles donnent (directement ou indirectement) naissance, comme l’histoire-matrice de l’exode de la famille, par exemple, dont la grand-mère est l’héroïne, la mère la narratrice principale, et Gabrielle, la fille, l’auteur et la seconde narratrice. Tout comme les dons artistiques (éminemment consolateurs) se transmettent de mère en fille, ces quatre «magiciennes» surgissent l’une de l’autre pour donner naissance aux récits (exemples magnifiques du phénomène de l’autoreprésentation du texte) qui composent le grand livre global – le Künstlerroman – grâce auquel Gabrielle Roy venge finalement la détresse, non seulement de son père, mais de tous les siens. Ainsi, à la place du pauvre livre détruit, appartenant au père, dont l’histoire est racontée dans l’autobiographie, naît finalement la grande oeuvre royenne.
EN:
This article more closely examines the illuminating role of the «little sister» (who is in sharp contrast with the father) in the body of Gabrielle Roy’s works. In fact both Dédette and the father seem to play a fundamental role in the development of Gabrielle Roy’s literary vocation as well as in the gradual edification of her work. Accordingly, we contrast the character of Dédette with her father’s (born and raised in the dark shadow of an unhappy life), to more closely emphasize the continuity between the grandmother, the mother and the two sisters – Dédette and Gabrielle/Christine. These four key female characters all seem to have been born to create and impart joy, thanks to their remarkable artistic gifts; they in fact are a sort of Russian doll, for Gabrielle envelops Dédette, her mother and her maternal grandmother within herself, and all her stories (particularly those «stacked» within the autobiography) embrace them, in the full meaning of the word, and become different mises en abîme. We can even say that the four kindred women are nestled one within the other, just like the stories they (directly or indirectly) give rise to, for example, of the family’s exodus from Québec, which is the key to all the other stories where the grandmother is the heroine and the mother the principal narrator, and which is retold by her daughter Gabrielle. In the same way as their artistic gifts (with their extraordinary powers of consolation) are communicated from mother to daughter, the four «sorceresses» spring forth from each other and spawn the stories (marvellous examples of self-revealing writings) that make up Roy’s work as a whole. Her work may consequently be seen as one great artist’s body of work, or Künstlerroman, in which she vindicates the suffering, not only of her father, but of all those close to her. Thus, in place of the father’s book the destruction of which is recounted in the autobiography, Gabrielle Roy’s great masterworks spring to life.
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L’écologie dans l’oeuvre de Gabrielle Roy
Richard Chadbourne
pp. 349–360
AbstractFR:
Les pensées ou images sur l’écologie de Gabrielle Roy sont dispersées ici et là à travers son oeuvre et doivent donc être rassemblées pour constituer une synthèse. Les principales images de ce genre se laissent grouper selon le schéma suivant: 1) le fleuve dénaturé; 2) les bêtes massacrées; 3) l’atmosphère polluée des villes; 4) les villes encombrées de déchets matériels et de «déchets humains». Toutes relèvent de l’idée que se fait Roy d’une rupture de l’harmonie de la nature, et l’être humain doit vivre avec elle s’il veut atteindre le bonheur. Dans son oeuvre d’imagination, cet écrivain visionnaire nous a signalé les dangers qui menacent l’environnement et nous a mis en garde contre ces dangers.
EN:
Gabrielle Roy’s thoughts and portrayals of the ecology are scattered throughout her work and must be brought together to be viewed as a whole. Her main images in this area can be grouped as follows: 1) spoiled rivers; 2) slaughtered animals; 3) urban air pollution; 4) the piling up of material and «human» waste in cities. These images grow out of the isolation of man from the harmony of nature which, according to Roy, must be maintained to achieve happiness. In her imaginative work, this visionary author predicted and warned against the dangers of the destruction of our environment.
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L’image des Inuit dans La rivière sans repos de Gabrielle Roy
Étienne Vaucheret
pp. 361–377
AbstractFR:
Selon François Ricard, il existe deux manières de Gabrielle Roy: l’une est plus orientée vers les préoccupations sociales, à l’exemple de Bonheur d’occasion; l’autre est plus idyllique et fait une part plus grande aux souvenirs autobiographiques. Le recueil de nouvelles intitulé La rivière sans repos, où l’auteur a donné différents éclairages au drame du contact des civilisations, se rattache à la première manière. Plusieurs images à valeur de symboles montrent que l’intrusion des Blancs dans l’univers des Inuit a transformé leur mentalité et introduisent une problématique du progrès: l’avion qui fait son apparition dans le ciel du «Grand Nord» («Les satellites») ou le survol de Fort-Chimo par le fils d’une Inuk et d’un G.I. («La rivière sans repos»); le téléphone, jeu dont finit par se lasser Barnaby, et le fauteuil roulant dont l’utilité pour le vieil Isaac apparaît discutable. Au lieu d’apporter le bonheur aux Inuit, le progrès n’est-il pas source d’aliénation, qu’il s’agisse du cinéma qui perturbe leur imaginaire, du confort moderne qui les déroute, provoque des conflits de générations et rend difficile toute réadaptation aux moeurs d’antan? Même les plus récalcitrants sont victimes de ce progrès envahissant, qui les laisse totalement perplexes devant les problèmes de la maladie, de la vieillesse et de la mort. Elsa, dans «La rivière sans repos», vit dans sa chair ce drame du heurt des civilisations. En vain essaie-t-elle tour à tour pour élever son enfant, de suivre le progrès, de retourner vivre parmi les Inuit irréductibles, puis de réintégrer pour finir la cité des Blancs. Elle échoue, et son fils, en grandissant, s’écarte d’elle, attiré par le pays de son père. Une vision pessimiste des choses qui traduit la sensibilité de Gabrielle Roy à la détresse humaine.
EN:
François Ricard submits that there are two approaches in Gabrielle Roy’s work: the first is directed mainly towards social concerns, as exemplified in Bonheur d’occasion, while the second is more idyllic and emphasizes autobiographical memories to a greater extent. The collection of short stories, La rivière sans repos, in which the author sheds light on the drama of contact between different civilisations, is an instance of the first approach. A number of symbolic images attempt to show that the intrusion of the White man into the Inuit world transforms the latters’ thinking and introduces issues of progress: a plane appearing in the «Great North» sky («Les satellites») or the fly-over of Fort Chimo by a G.I. and an Inuit woman’s son («La rivière sans repos»); the telephone, a game which Barnaby soon tires of, and the wheelchair whose usefulness Old Isaac finds debatable. Whether in the guise of films that disturb the imagination, or the bewildering modern comforts that create conflicts between the generations and make any re-adaptation to traditional ways more difficult, do the Inuit not see progress as a source of alienation rather than a cause for happiness? Even the most resistant among them are victims of this all-invasive progress, leaving them totally at sea before the problems of disease, old age and death. In «La rivière sans repos», Elsa experiences, body and soul, this drama of the clash of civilisations. At different times in her life, she tries in vain to raise her child, adapt to change, go back to life with the immutable Inuit, and ultimately return to the White man’s city. She fails, and as her son grows up, he retreats from her, drawn towards his father’s land. A pessimistic vision that conveys Gabrielle Roy’s sensitivity to human anguish.
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Inauguration de l’île Gabrielle-Roy dans la rivière de la Poule-d’eau (Manitoba)