Volume 38, Number 1-2, 2014 Cultures inuit, gouvernance et cosmopolitiques Inuit cultures, governance and cosmopolitics Guest-edited by Frédéric Laugrand
Table of contents (21 articles)
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Introduction: cultures inuit, gouvernance et cosmopolitiques / Introduction: Inuit cultures, governance and cosmopolitics
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Silatuniq: Respectful state of being in the world
Betsy Annahatak
pp. 23–31
AbstractEN:
This paper focuses on silatuniq, a mode of being respectful or wise toward all that one encounters and interacts with in the world. Based on my personal background, I try to explain how Inuit in my region were culturally raised from childhood to adulthood to acquire values, skills, and knowledge to become competent in our society. This article is the result of my lifelong experience of having lived during a phase of cultural transition, from hunting camps to community life, then having lived as a student during the introduction of mainstream schooling in Kangirsuk, and finally working as an educator to make changes in Inuit education. A diagram illustrates how silatuniq, a sign of maturity, can be visualized as the central goal of the development of Inuit children as they acquire interrelated customary values and cultural rules. Hopefully this goal can apply to today’s Inuit schooling.
FR:
Le sujet de cet article est le silatuniq, une façon d’être respectueuse ou sage envers tout ce que l’on peut rencontrer, ou tout ce avec quoi l’on peut interagir, dans le monde. En me basant sur mon histoire personnelle, je tente d’expliquer la façon dont les Inuit de ma région étaient élevés, de l’enfance à l’âge adulte, dans une culture leur permettant d’acquérir des valeurs, des savoir-faire et des connaissances leur conférant les compétences nécessaires à la vie dans notre société. Cet article résulte de toute une vie d’expérience, puisque j’ai vécu la phase de la transition culturelle, depuis les camps de chasse jusqu’à la vie communautaire; puis j’ai connu la vie d’étudiante au moment de l’apparition des programmes scolaires classiques, s’appliquant à tous de la même façon, à Kangirsuk, avant de travailler comme éducatrice pour contribuer aux changements dans le système d’éducation des Inuit. Un schéma montre la façon dont le silatuniq, un signe de maturité, peut être visualisé comme l’objectif essentiel du développement des enfants inuit dans leur acquisition des valeurs coutumières et des règles culturelles, toutes liées entre elles. J’ai l’espoir que cet objectif pourra être atteint dans la scolarité des Inuit d’aujourd’hui.
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Music and change in Nain, Nunatsiavut: More White does not always mean less Inuit
Tom Artiss
pp. 33–52
AbstractEN:
This paper focuses on Inuitized Western music in Nain, Labrador, as part of a broader look at Inuit responses to change. Drawing on interviews and sustained ethnographic research, I show how a relaxing of strict socio-musical categories coincided with a decline in Moravian missionary influence in the second half of the 20th century. A notable indifference to musical difference is, I suggest, consistent with an Inuit equanimity toward environmental forces of change that cannot be helped (ajunamat). I then give reasons why discursive imbalances are a continued concern and show how the effects of sustained colonial and missionary activity (hybridities, mixtures, overlaps, co-presences) do not always produce the emotional and psychic dissonances sometimes associated with postcolonial ambivalence. Ultimately, I propose thinking of Inuitized Western musical forms as visible protrusions of a much deeper substrate of affective continuities and that such inherited ways of being in the world can remain constant even while specific cultural forms may change.
FR:
Cet article porte sur les réinterprétations inuit de la musique occidentale à Nain, au Labrador, dans le cadre d’une étude des réactions des Inuit au changement. En me basant sur des entrevues et une recherche ethnographique approfondie, je démontre que le relâchement de la rigidité des catégories socio-musicales a coïncidé avec le déclin de l’influence missionnaire morave au cours de la seconde moitié du XXe siècle. Je suggère que l’indifférence à la différence musicale traduit l’équanimité des Inuit devant les forces environnementales d’un changement «que l’on ne peut empêcher» (ajunamat). J’expose ensuite les raisons pour lesquelles le déséquilibre discursif reste une préoccupation constante et je démontre que les effets d’une activité coloniale et missionnaire soutenue (métissages, mélanges, chevauchements, coprésences) ne produisent pas toujours les discordances émotionnelles et psychiques que l’on associe parfois à l’ambivalence postcoloniale. En fin de compte, je suggère que les formes musicales occidentales réinterprétées par les Inuit peuvent être comprises comme les manifestations visibles d’un substrat bien plus profond de pérennités affectives, et que ces façons héritées d’être au monde peuvent se perpétuer même lorsque certaines formes culturelles spécifiques se modifient.
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Greenlandic attitudes towards Norwegians and Danes from Nansen’s icecap crossing to the 1933 World Court verdict in The Hague
Karen Langgård
pp. 53–71
AbstractEN:
After Fridtjof Nansen (1861-1930) crossed the Greenland icecap, he spent the winter in Nuuk and impressed the Greenlanders not only by demonstrating his skill and daring in kayaking, but also by his openness to Greenlandic food, culture, and traditions. Later on, when Danes and Norwegians came into conflict over Greenland, Greenlanders supported the Danish colonial power against Norway, while at the same criticizing the Danes for not paying enough respect to Greenlanders during the process. Articles from the national Greenlandic newspapers Atuagagdliutit and Avangnâmioĸ demonstrate that Greenlanders were open-minded towards Norwegians but critical towards Danes. They fully supported the latter as a colonial power against Norway, while never refraining from the idea that Greenland remained their ethnic-national territory, even though for the time being it was colonized by the Danes. The author concludes that Greenlandic agency found in these newspapers is very relevant when negotiating today’s discourse on colonial Greenlanders.
FR:
Fridtjof Nansen (1861-1930), après avoir traversé la calotte glaciaire du Groenland, a passé l’hiver à Nuuk et a impressionné les Groenlandais par sa compétence et son audace en kayak, mais aussi par son ouverture d’esprit vis-à-vis de la nourriture, la culture et les traditions groenlandaises. Plus tard, lorsque les Danois et les Norvégiens sont entrés en conflit au sujet du Groenland, les Groenlandais ont soutenu la puissance coloniale danoise contre la Norvège, tout en reprochant aux Danois de ne pas avoir montré assez de respect envers les Groenlandais durant ledit processus. Les articles des journaux nationaux groenlandais Atuagagdliutit et Avangnâmioĸ démontrent que les Groenlandais étaient ouverts d’esprit envers les Norvégiens mais critiques envers les Danois. Tout en apportant leur soutien à ces derniers comme puissance coloniale contre la Norvège, les Groenlandais n’ont toutefois jamais oublié l’idée de l’intégrité ethnique et nationale du Groenland, même si, à ce moment-là, le pays était encore colonisé par les Danois. L’auteure conclut que l’agentivité groenlandaise que l’on découvre dans ces articles est très pertinente dans l’analyse du discours contemporain sur les Groenlandais de la période coloniale.
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Co-constructing early childhood programs nourished by Inuit worldviews
Mary Caroline Rowan
pp. 73–94
AbstractEN:
Saimaqatigiingniq is defined as the place where Inuit and Qallunaat meet in the middle and are reconciled (Qikiqtani Inuit Association 2010). In this paper, the researcher, a middle-aged white woman with more than 30 years of experience living, visiting, and working with Inuit in the Arctic, employs a series of questions to examine the challenge of the Qikiqtani Truth Commission, which invites Inuit and Qallunaat to do things in new ways. These questions include: What is the potential of saimaqatigiingniq and in what context? How can saimaqatigiingniq facilitate the organization of early childhood programs and services that are meaningfully structured with Inuit worldviews? What is to be considered when seeking to think with Inuit perspectives in research? What are examples of Inuit approaches to child rearing? What is the rationale and what are the dimensions for reconceptualizing early childhood education from Inuit perspectives?
FR:
Le terme saimaqatigiingniq se définit comme l’endroit où «les Inuit et les Qallunaat se rencontrent à mi-chemin et se réconcilient» (Qikiqtani Inuit Association 2010). Dans cet article, la chercheure, une femme blanche d’âge moyen, ayant plus de 30 ans d’expérience de vie, de visites et de travail avec les Inuit de l’Arctique, a recours à une série de questions dans le but d’évaluer le défi auquel est confrontée la Qikiqtani Truth Commission qui invite les Inuit et les Qallunaat à faire les choses autrement. Ces questions sont, entre autres: quel est le potentiel du saimaqatigiingniq et dans quel contexte? En quoi le saimaqatigiingniq peut-il faciliter l’organisation de programmes et services destinés à la petite enfance qui soient significativement structurés pour intégrer les visions du monde des Inuit? Que doit-on prendre en compte lorsque l’on cherche à penser des recherches dans une perspective inuit? Quels sont les exemples d’une façon spécifiquement inuit d’élever les enfants? Quelles sont, d’un point de vue inuit, les raisons d’être et les dimensions d’une nouvelle conceptualisation de l’éducation de la petite enfance?
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Le Nunavut: une composition inachevée?
Thierry Rodon
pp. 95–114
AbstractFR:
L’expérience du Nunavut est basée sur un compromis entre la volonté des Inuit de reconquérir une certaine autonomie et celle du gouvernement fédéral d’assurer sa souveraineté sur l’Arctique canadien et d’obtenir une certitude juridique pour l’exploitation des ressources du Nunavut. Dans ce contexte, on peut se demander si le gouvernement du Nunavut donne plus d’autonomie aux Inuit ou s’il s’agit simplement d’une structure postcoloniale qui répond principalement aux normes de rationalité occidentales. Le concept de «composition» proposé par Latour nous offre une façon de comprendre les relations entre la gouverne inuit et occidentale au Nunavut. Dans cet article, ce sont donc les interrelations des acteurs, des visions et des institutions qui forment le cadre de notre analyse de la composition du Nunavut. Après une caractérisation de la gouverne dans les sociétés inuit, nous verrons à travers l’analyse des compromis, des institutions et des pratiques du Nunavut comment gouvernance inuit et rationalité gouvernementale occidentale interagissent au sein du nouveau territoire.
EN:
The experience of Nunavut is based on a compromise between the desire of the Inuit to regain some autonomy and the federal government’s wish to ensure its sovereignty over the Canadian Arctic and secure legal certainty for resource development in Nunavut. In this context, one may wonder whether the Nunavut government is giving the Inuit more autonomy or whether it is simply a postcolonial structure that responds mainly to Western norms of rationality. Latour’s concept of “composition” offers us a way to understand the relationships between Inuit and Western processes of governing in Nunavut. In this article, the interrelationships among actors, visions, and institutions therefore form a framework for our analysis of the composition of Nunavut. After characterizing the process of governance in Inuit societies, we will see via analysis of Nunavut compromises, institutions, and practices how Inuit governance and Western governmental rationality interact in the new territory.
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Revisiting Inuit Qaujimajatuqangit: Inuit knowledge, culture, language, and values in Nunavut institutions since 1999
Francis Lévesque
pp. 115–136
AbstractEN:
The Government of Nunavut and the Nunavut Land Claims Agreement organizations have been making a lot of effort to integrate Inuit qaujimajatuqangit (IQ) into their operations, institutional structures, and policies since the creation of the territory in 1999. This paper describes some of the ways in which IQ has been integrated into the operations, structures, and policies of Nunavut since 1999. It also proposes a broader discussion about the impacts of Western bureaucratic institutions on IQ, and highlights that IQ also impacts Nunavut operations and institutions. In this paper, I argue that IQ is not so much a practice of resistance to the colonial order, as some have suggested, but rather a way for Inuit to assume control of these structures to adapt them to their own use. Although IQ has still relatively limited influence, it has the potential, in the long run, to reshape Nunavut institutions and make them more representative of Inuit culture.
FR:
Cet article décrit comment le gouvernement du Nunavut et les organisations nées de l’Accord sur les revendications territoriales du Nunavut tentent d’intégrer l’ Inuit qaujimajatuqangit (IQ) dans leurs opérations, leurs structures et leurs politiques depuis la création du territoire en 1999. Il propose aussi une discussion plus large sur les impacts des institutions bureaucratiques occidentales sur l’IQ et souligne le fait que l’IQ influence également les opérations et les institutions du Nunavut. Dans cet article, je propose de repenser l’IQ non pas comme une résistance aux institutions coloniales, comme il a été suggéré, mais plutôt comme un moyen pour les Inuit de s’approprier ces structures en les adapter à leurs usages. Même si l’IQ joue encore un rôle relativement limité, il a le potentiel, à long terme, de transformer les institutions du Nunavut pour qu’elles soient plus représentatives de la culture des Inuit.
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Le pouvoir du «non» dans le processus d’autonomie politique au Nunavik
Caroline Hervé
pp. 137–156
AbstractFR:
Cet article propose d’analyser le cheminement vers l’autonomie politique au Nunavik sous un nouvel angle et de comprendre quelles difficultés les Nunavimmiut ont pu rencontrer au cours des 40 dernières années pour mettre en oeuvre ce projet. En s’appuyant sur une perspective relationnelle et ontologique, il montre que les Nunavimmiut envisagent moins l’autonomie politique comme une séparation ou une rupture que comme un processus à travers lequel ils tentent de préserver leur relation avec l’État. Les Nunavimmiut partagent majoritairement cette idée qu’un bon gouvernement, qu’il soit fédéral, provincial ou régional, doit consulter le peuple et combler ses besoins. Cette conception octroie aux instances gouvernementales une fonction de pourvoyeur et les placent dans une position de pouvoir. Dans ce contexte, l’autonomie politique est conçue comme un processus à travers lequel les Nunavimmiut tentent de redéfinir la place qu’ils occupent au sein de cette relation de pouvoir. Cela passe notamment par l’acquisition de savoirs pertinents à la conduite d’une société moderne et dans ce processus, ils doivent être accompagnés par les gouvernements. Alors que les voix affirmant le désir de parler aux gouvernements sur un pied d’égalité étaient minoritaires dans les années 1970 et 1980, les événements entourant le référendum du 27 avril 2011 laissent penser qu’opposer un «non» aux entités gouvernementales a trouvé une nouvelle légitimité.
EN:
This article aims to analyse the path toward political autonomy in Nunavik from a new angle and to understand the difficulties Nunavimmiut have encountered during the last 40 years in implementing this project. Through a relational and ontological approach, it shows that Nunavimmiut consider political autonomy to be a relational process that should preserve their relationship with the State rather than a separation and rupture with the Canadian and Quebec governments. Most Nunavimmiut share the idea that a good government, be it federal, provincial, or regional, should consult the people and fulfil their needs. This perspective gives the governments a role of provider and puts them in a position of power. In this context, political autonomy is seen as a process where Nunavimmiut try to redefine their position in the power relationship. This notably requires becoming knowledgeable about how a modern society works, and they have to be accompanied in this process by the governments. Those who were trying to talk to the governments on an equal footing during the 1970s and 1980s were in a minority, but the events surrounding the referendum of April 27, 2011 imply that saying “no” to governmental entities has found new legitimacy.
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The case of Pelagie Inuk: The only Inuk woman to become a Grey Nun
Frédéric Laugrand and Jarich Oosten
pp. 157–176
AbstractEN:
In the Arctic, no studies have been made of Indigenous nuns. In this paper we present the case of Pelagie Inuk, who became a Grey Nun. Motivated by a wish to help other people, Pelagie chose the celibate life of a Grey Nun, instead of a married life in an Inuit family. The missionaries often presented her as a role model who took the right path in contrast to other individuals who clung to their “pagan,” i.e. shamanic traditions, but her life history shows that she remained caught between conflicting traditions and finally opted for life in an Inuit family.
FR:
Dans l’Arctique, les religieuses autochtones n’ont jamais été étudiées. Dans cet article, nous présentons le cas de Pélagie Inuk, qui est devenue une soeur grise. Motivée par son désir d’aider les autres, Pélagie a d’abord fait le choix de vivre en célibataire comme une religieuse plutôt qu’en femme mariée dans une famille inuit. Les missionnaires l’ont souvent présentée comme un modèle qui a su prendre le bon chemin, contrairement à d’autres individus qui ont conservé leurs traditions «païennes», ou chamaniques, mais son histoire de vie montre qu’elle est restée partagée entre ces voies conflictuelles avant de revenir finalement à sa vie de femme au sein d’une famille inuit.
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Les images de la parenté: exploration de quelques compositions photographiques et corporelles dans les îles Belcher (Nunavut)
Florence Dupré
pp. 177–196
AbstractFR:
Depuis plusieurs décennies, dans l’Arctique canadien, la pratique des relations sociales se trouve nourrie par le champ des technologies de l’image et de la communication à différentes échelles. Parmi ces technologies, les techniques de représentations imagées de la personne constituent, à travers la photographie et certaines modalités de représentation graphique, des pratiques quotidiennement investies par différentes générations inuit. Au terme d’une recherche doctorale en anthropologie, cet article propose d’examiner quelques pistes ethnographiques relatives aux relations de parenté inuit contemporaines. Il examine notamment une approche de la parenté dans le village de Sanikiluaq (îles Belcher, Nunavut) en termes de processus électifs (c’est-à-dire des façons de choisir, mais également de transformer ou non un lien en une relation effective et pratiquée). Cette approche s’applique à un certain nombre de pratiques impliquant les supports photographiques et corporels (à travers le tatouage) dans les stratégies de fabrication du lien social et parental. Elle interroge dans cette perspective le rôle de l’agencement domestique des photographies de famille dans les pratiques d’appropriation de l’enfant et la fonction de certains types de tatouages identifiés comme «tatouages-relation» dans le processus de production, de pratique et d’interruption du lien de parenté.
EN:
For decades, imaging and communication technologies have in different ways enriched the way social relationships are practised in the Canadian Arctic. Among these technologies, techniques for pictorially representing a person are, through photography and certain forms of graphic representation, daily practices for several generations of Inuit. With completion of fieldwork for a doctorate in anthropology, this article aims to explore some ethnographic approaches to contemporary Inuit kinship. It notably looks at kinship in the municipality of Sanikiluaq (Belcher Islands, Nunavut) in terms of elective processes (i.e. how to choose, and also how to transform or not a kinship tie into an effective, ongoing relationship). This approach is applied to several practices that use photographic and physical supports (i.e. through tattooing) for strategies to create a social/kinship tie. This paper addresses the arrangement of family photos at home, its role in integrating children into kin networks, and the function of certain types of tattoos identified as “relationship tattoos” in the process of producing, practising, and breaking the kinship tie.
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Ontologie et territorialité inuit en contexte d’exploitation minière à Qamani’tuaq (Baker Lake) au Nunavut
Pascale Laneuville
pp. 197–216
AbstractFR:
Le développement industriel se présente souvent comme un obstacle à la survie des pratiques et des représentations locales, spécifiquement pour ce qui concerne les communautés autochtones. Cet article vise pourtant à montrer l’expression actualisée du lien étroit qui unit la communauté inuit de Qamani’tuaq (Baker Lake, Nunavut) à son territoire dans un contexte d’exploitation minière. La territorialité inuit témoigne d’une conception particulière du temps et de l’espace et renvoie en fin de compte à une façon d’être au monde — une ontologie — qui met en lumière l’expérience que font les Inuit de la mine d’or de Meadowbank. L’usage tactique de la route et des emplois miniers de même que la relation avec les caribous et les esprits du territoire permettent de comprendre pourquoi de nombreux Inuit se satisfont des bénéfices actuels de la mine tout en montrant une préoccupation particulière vis-à-vis d’une réalité qui dépasse celle la mine.
EN:
Industrial development is often presented as an obstacle to the survival of local practices and representations, especially for Aboriginal communities. This article aims nonetheless to show how a close link is kept going between the Inuit community of Qamani’tuaq (Baker Lake, Nunavut) and its territory in a mining operation context. Inuit territoriality reflects a particular conception of time and space, and ultimately reveals a way of being in the world—an ontology—that helps to understand the experience of the Inuit with respect to the Meadowbank gold mine. By examining how Inuit use the road and mining jobs, and their relationship with the caribou and spirits of the land, we can understand why many of them are satisfied with the mine’s current benefits. They have a particular concern about a reality that goes beyond the reality of the mine.
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Fish pluralities: Human-animal relations and sites of engagement in Paulatuuq, Arctic Canada
Zoe Todd
pp. 217–238
AbstractEN:
This article explores human-fish relations as an under-theorized “active site of engagement” in northern Canada. It examines two case studies that demonstrate how the Inuvialuit of Paulatuuq employ “fish pluralities” (multiple ways of knowing and defining fish) to negotiate the complex and dynamic pressures faced by humans, animals, and the environment in contemporary Arctic Canada. I argue that it is instructive for all Canadians to understand the central role of humans and animals, together, as active agents in political and colonial processes in northern Canada. By examining human-fish relationships, as they have unfolded in Paulatuuq over the last 50 years, we may develop a more nuanced understanding of the dynamic strategies that northern Indigenous people, including the Paulatuuqmiut (people from Paulatuuq), use to navigate shifting environmental, political, legal, social, cultural, and economic realities in Canada’s North. This article thus places fish and people, together, as central actors in the political landscape of northern Canada. I also hypothesize a relational framework for Indigenous-State reconciliation discourses in Canada today. This framework expands southern political and philosophical horizons beyond the human and toward a broader societal acknowledgement of complex and dynamic relationships between people, fish, and the land in Paulatuuq.
FR:
Cet article explore les relations humains-poissons comme un «site actif d’engagement» ayant été peu théorisé dans le Nord canadien. À travers deux études de cas, cet article cherche à montrer que les Inuvialuit de Palatuuq mettent en jeu la «pluralité des poissons» (les multiples manières de les connaître et de les définir) pour négocier les pressions qu’eux-mêmes, les animaux et l’environnement subissent dans l’Arctique canadien contemporain. Je soutiens qu’il est pertinent et instructif pour tous les Canadiens de comprendre le rôle central que les humains et les animaux jouent ensemble comme agents des processus coloniaux et politiques dans le nord du Canada. Examiner les relations que les humains entretiennent avec les poissons depuis plus de 50 ans à Paulatuuq nous permet de comprendre de façon plus nuancée les stratégies dynamiques qu’utilisent les Autochtones du Nord, dont les Paulatuuqmiut (les habitants de Palatuuq), pour naviguer dans les réalités environnementales, politiques, juridiques, sociales, culturelles et économiques de leur territoire. Cet article considère donc que les poissons et les gens sont, ensemble, des acteurs centraux du paysage politique du Nord canadien. J’émets aussi l’hypothèse qu’il existe un cadre relationnel de réconciliation, au niveau du discours, entre les Autochtones et l’État. Ce cadre élargit les horizons politiques et philosophiques du Sud au-delà de l’humain, vers une reconnaissance sociale plus large des relations complexes et dynamiques entre les personnes, les poissons et le territoire à Paulatuuq.
Hors thème / Off theme
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Impacts du développement minier sur les hommes et les caribous à Qamani’tuaq au Nunavut: approche participative
Sylvie Blangy and Anna Deffner
pp. 239–265
AbstractFR:
Au Canada, le développement minier pose de nombreux défis aux communautés autochtones qui y voient un véritable potentiel économique, mais aussi des risques pour leur mode de vie basé sur une économie mixte combinant économie salariale et activités de subsistance. Au Nunavut, la communauté de Qamani’tuaq (Baker Lake) se trouve confrontée aux impacts des activités de la mine d’or de Meadowbank et est actuellement en phase de négociations pour un deuxième projet minier, une mine d’uranium proposée par la compagnie Areva. Les connaissances encore fragmentaires des impacts miniers, surtout sur les plans social et culturel, permettent difficilement à la communauté de se positionner. Le bien-être des habitants ne dépend pas seulement d’un bien-être matériel mais aussi de l’accès au territoire et du maintien des activités de subsistance. Les résultats de notre étude, basée sur une approche participative, montrent que la mine de Meadowbank a déjà fortement affecté la communauté de Qamani’tuaq: exacerbation des problèmes sociaux, création de tensions familiales et accroissement des disparités salariales. Par ailleurs, les craintes quant aux impacts de nouvelles infrastructures, dont une deuxième route minière, sont nourries par l’expérience de la mine d’or en activité qui a des impacts majeurs sur l’environnement: retombée des poussières sur la végétation et déviation de la route de migration des caribous. Dans cet article, nous décrivons une nouvelle approche de recherche collaborative développée avec la communauté sur le long terme, lente, adaptée au rythme des événements miniers et reposant sur la participation d’assistantes de recherche inuit.
EN:
Mining development in Canada poses many challenges for Indigenous communities, who believe it has real economic potential but also risks for their way of life, which is based on a mixed economy that combines wage employment with subsistence activities. In Nunavut, the community of Qamani'tuaq (Baker Lake) is confronted with the impacts of the Meadowbank Gold Mine’s activities and is currently negotiating for a second mining project: a uranium mine proposed by Areva. Knowledge about mining impacts, especially social and cultural ones, is still too fragmentary to enable the community to make informed decisions on the proposal. Qamani’tuarmiut well-being depends not only on material well-being but also on having access to the land and maintaining traditional activities. The results of our study, based on a participatory approach, show that the Meadowbank gold mine has already seriously impacted the community of Qamani’tuaq by creating family problems, by increasing wage disparities, and by exacerbating social problems. Fears of impacts from new infrastructures, including a second mining road, are worsened by experiences with the currently operating gold mine, which include major impacts on the environment, dust falling on the vegetation, and diversion of the caribou migration route. In this paper, we describe a new approach to collaborative research. This approach, developed with the community over the long term, is slow and adapted to the pace of mining events, and involves the participation of Inuit research assistants.
Recensions / Book reviews
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LYONS, Natasha, 2013 Where the Wind Blows Us: Practicing Critical Community Archaeology in the Canadian North, Tucson, The University of Arizona Press, 230 pages.
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NAPPAALUK, Mitiarjuk, 2014 Sanaaq, Winnipeg, University of Manitoba Press, 248 pages.
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NATCHER, David C., Lawrence FELT et Andrea PROCTER (dir.), 2012 Settlement, Subsistence, and Change Among the Labrador Inuit: The Nunatsiavummiut Experience, Winnipeg, University of Manitoba Press.
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WEINSTEIN, Charles, 2010 Parlons Tchouktche. Une langue de Sibérie, Paris, L’Harmattan, 241 pages.