TTR
Traduction, terminologie, re?daction
Volume 7, Number 2, 2e semestre 1994 Traduire les sociolectes Guest-edited by Annick Chapdelaine and Gillian Lane-Mercier
Table of contents (14 articles)
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Présentation : traduire les sociolectes : définitions, problématiques, enjeux
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Transparence et retraduction des sociolectes dans The Hamlet de Faulkner
Annick Chapdelaine
pp. 11–33
AbstractFR:
Transparence et retraduction des sociolectes dans The Hamlet de Faulkner — Par « transparence », nous [le Groupe de recherche en traductologie, de l'Université McGiIl] entendons non pas l'occultation du travail de la conscience traduisante, mais au contraire l'émergence du traducteur comme pôle herméneutique incontournable. Notre entreprise de réactualisation veut tenir compte de deux facettes du texte faulknérien qui ont eu à souffrir de leur passage au français dans la première traduction de René Hilleret, à savoir le gommage tant de la composante sociolectale du roman que de ses effets comiques. Pour les rendre manifestes dans notre retraduction, nous avons choisi de puiser dans les ressources du vernaculaire québécois, produisant un ancrage géographique précis motivé non par le désir de naturaliser Faulkner, mais bien de le donner à lire à la francophonie via le Québec. Les notes qui accompagnent notre traduction s'effectuent en fonction du macrotexte en tenant compte de l'identité des personnages, des rapports de force, des situations d'énonciation, de nos choix antérieurs et des isotopies de l'oeuvre.
EN:
Transparency and re-translation of sociolects in Faulkner's The Hamlet — This article presents a "transparent" retranslation of a passage from William Faulkner's The Hamlet by McGiIl University's Research Group in Translatology (known by its French acronym, GRETI), accompanied by an introductory text outlining some elements of the Group's positioning. By "transparency," the GRETI does not mean that the work of the translator should be invisible; on the contrary, we posit that s/he must inevitably be seen as a hermeneutical pole. Our re-actualization intends to account for two aspects of Faulkner's text that were adversely affected in René Hilleret's initial translation, which obliterated both the sociolectal component of the novel and its comic effects. To properly render these in our retranslation, we have chosen to draw on the resources of Québécois vernacular, thus producing a precise geographic anchoring — one motivated not by a desire to naturalize Faulkner, but rather to present his work to readers in French-speaking countries via Québec. The notes accompanying our translation operate according to the macrotext, taking into account the identity of the characters and their power relationships, situations of enunciation, our previous choices and the isotopies of the novel.
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Der Proceβ in Yiddish, or The Importance of being Humorous
Iris Bruce
pp. 35–62
AbstractEN:
Der Proceß in Yiddish, or the Importance of being Humorous — The article argues for a "humorous" Franz Kafka rather than a kajkaesque one and criticizes the "Kafka myth" which cristallized after WWII and emphasized foremost Kafka's existential anguish. Even before the war Max Brod as well as Walter Benjamin recognized the humorous dimension in Kafka's texts, much of which lies in word plays and gesture; otherwise, the humour in Kafka was largely ignored, especially after WWII. The focus in this article is on English, German and Yiddish cultural contexts and ideologies which have determined different readings/ translations of Kafka's texts. In particular, the article compares the pre-war English translation of Der Proceß by Edwin and Willa Muir, which contributes to the "Kafka myth," with a post-war Yiddish translation by Melech Ravitch, which highlights the novel's humorous qualities. Not only does the Yiddish translation place Kafka's novel within a culturally specific literary genre and suggest an alternate "Jewish" reading of the text; by drawing on both the English translation and the German original, Ravitch also "corrects" the anguish laden "Kafka myth" and constitutes a challenge to the rather humourless genre of the kafkaesque so widespread still in contemporary English and German speaking cultures.
FR:
Le Procès en yiddish ou l'importance d'être humoristique - L'auteure met en lumière le Kafka humoristique — et non kafkaesqu — et critique le « mythe Kafka » qui s'est constitué après la Seconde Guerre mondiale, centré surtout sur l'angoisse existentielle chez Kafka. Bien avant la guerre, Max Brod ainsi que Walter Benjamin reconnurent la dimension humoristique des textes de Kafka, dont l'essentiel se trouve dans les jeux de mots et les gestes; en dehors de ces auteurs, l'humour chez Kafka restait inaperçu. Le présent article met l'accent sur les contextes culturels et idéologiques anglais, allemand et yiddish qui ont déterminé des lectures/traductions disparates de ses textes. L'article établit surtout une comparaison entre la traduction d'avant-guerre du Procès par Edwin et Willa Muir, qui contribua au « mythe Kafka », et la traduction yiddish d'après-guerre de Melech Ravitch, laquelle souligna les qualités humoristiques du roman. D'une part, la traduction yiddish situe le roman de Kafka dans un genre littéraire qui est culturellement spécifique en même temps qu'elle suggère une lecture « juive » alternative du texte; mais, d'autre part, se fondant sur la traduction anglaise et la version allemande originale, Ravitsch « corrige » aussi le « mythe » du Kafka angoissé et constitue un défi au genre assez morne du kafkaesque qui demeure si répandu dans les cultures de langue anglaise et allemande contemporaines.
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À propos d’une expérience de traduction : Désir sous les ormes d’Eugène O’Neill
Françoise Morvan
pp. 63–92
AbstractFR:
À propos d'une expérience de traduction: Désir sous les ormes d'Eugène O'Neill. À partir d'une expérience de traduction ponctuelle (Désir sous les ormes d'Eugène O'Neill mis en scène par Matthias Langhoff en 1992), la traductrice s'efforce de rendre compte des solutions qu'elle a trouvées pour transposer l'anglo-irlandais utilisé par O'Neill comme langue de poésie. Il lui a semblé possible de traduire la dualité de cet anglais marqué par les structures du gaélique en utilisant le français marqué par les structures du breton tel qu'on l'entend encore parler en Basse Bretagne. Cependant, le recours à un parler vécu (ayant donc sa cohérence) et à une situation d'élocution semblable (de partage impossible) ont eu pour avantage, non seulement de réaliser un calque mais d'autoriser une rupture avec la norme. C'est cette rupture, acceptée en vue d'un gain d'efficacité, qui a contraint la traduction à partir des éléments ayant précisément été effacés par les autres traductions françaises de la pièce: les récurrences, le système métaphorique, la ponctuation et la graphie du texte, en tant qu'éléments constitutifs, porteurs de sens. Cet exemple très limité amène ainsi à considérer les problèmes que pose la traduction d'un sociolecte comme révélateurs d'une résistance à l'acte de traduire, inhérente à cet acte même, parce qu'issue d'une résistance à l'autre, en ce qu'il a d'étranger.
EN:
About an Translation Experiment: Desire under the Elms by Eugene O'Neill. Starting from a particular experience (the translation of Eugene O'Neill's Desire under the Elms for a production by Matthias Langhoff in 1992), the translator attempts to convey the solutions she found to transpose the Anglo-Irish used by O'Neill as a poetic language. It seemed feasible to transpose the duality of this English sociolect, marked as it is by Gaelic structures, by using the French language, marked by Breton structures, as it is still spoken in Brittany. Use of a living language (a language therefore having its own coherence) and reference to a similar situation of impossible sharing between two languages had not only the advantage of producing a tracing of the original, but also of enabling a break with the linguistic norm. It is this break, accepted for the sake of efficiency, that made it necessary to translate the very elements that had been drawn aside by existing French translations of the play (i.e., recurrent words, the metaphoric net, punctuation and spelling) and to regard them as constituent elements that convey the meaning of the text. This very limited example consequently leads to view the problems raised by the translation of sociolects as signs of a resistance to the act of translating, inherent to the act itself.
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On Translating Pidgins and Creoles in African Literature
Paul F. Bandia
pp. 93–114
AbstractEN:
On Translating Pidgins and Creoles in African Literature — This paper deals with some of the problems of translating pidgins and creoles in African literature. It begins with an overview of the origins and parallel evolution of the French-based and English-based pidgins spoken in West Africa, throwing light on their status, history, and use in African literature. After a brief sociolinguistic analysis of the two hybrid languages, the paper discusses the difficulty of translating them, by carrying out a thorough analysis of translated examples and suggesting more appropriate solutions where necessary. The paper concludes by highlighting the reasons for the translation difficulties which are not only linguistic but also historical and ideological.
FR:
De la traduction des pidgins et des créoles dans la littérature africaine — Cet article présente certains problèmes posés par la traduction des pidgins et des créoles dans la littérature africaine. L'introduction est un bref survol des origines et de l'évolution parallèle des pidgins à base lexicale anglaise et française parlés en Afrique de l'ouest, leur statut, leur histoire et leur usage dans la littérature africaine. Après un tour d'horizon des aspects sociolinguistiques de ces langues hybrides, l'auteur procède à une analyse des difficultés que pose leur traduction, et effectue une analyse approfondie de quelques traductions. Des versions plus adéquates sont proposées au besoin. En conclusion, sont mises en évidence les raisons de ces difficultés de nature non seulement linguistique mais historique et idéologique.
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Problèmes de traduction du vernaculaire noir américain : le cas de The Adventures of Huckleberry Finn
Judith Lavoie
pp. 115–145
AbstractFR:
Problèmes de traduction du vernaculaire noir américain : le cas de The Adventures of Huckleberry Finn — Cet article propose une analyse du rôle dévolu au vernaculaire noir américain (VNA) par Mark Twain dans The Adventures of Huckleberry Finn et du traitement qui en a été fait par deux traducteurs français (Suzanne Nétillard, 1948/1973/1985, et André Bay, 1961/1990). L'auteure démontre que la transcription du VNA par Twain répond à deux « tendances esthético-cognitives divergentes » (Lane-Mercier). La première, « philologique », où Twain tente, sans vraiment y parvenir en raison de certains effets de clôture, de rendre compte du parler des personnes de race noire dans l'extratexte; la seconde, « artistique », où il cherche à subvertir, à travers sa représentation du VNA sur le plan scriptural, le discours socio-idéologique propre à sa société. En effet, le VNA assume plusieurs fonctions dans The Adventures of Huckleberry Finn: sur le plan esthétique, il crée, au début du roman, un effet de comique; sur le plan social, il identifie le locuteur à son milieu; et sur le plan idéologique, il exprime la position de l'auteur sur l'esclavage et la ségrégation. Or, la tradition française du bien-écrire étant très présente à l'esprit des traducteurs, ces derniers ont plus ou moins pu recréer graphiquement en français un langage caractérisant la voix noire tel que Twain l'avait fait en anglais. Partant, si le VNA n'est pas représenté formellement, toute l'idéologie sous-jacente à sa présence est du même coup atténuée, si ce n'est complètement perdue.
EN:
Problems in Translating Black English Vernacular: The Case of The Adventures of Huckleberry Finn — This article aims to analyse both the role ascribed to Black English Vernacular (BEV) by Mark Twain in The Adventures of Huckleberry Finn and its treatment by two French translators (Suzanne Nétillard, 1948/1973/1985, and André Bay, 1961/1990). The author demonstrates that Twain's transcription of BEV corresponds to two "divergent esthetic/cognitive trends" (Lane-Mercier). On one hand, a "philological" one, by which Twain attempts — without actually succeeding, because of certain effects of closure — to account for the speech of Black persons in the extratext, and on the other, an "artistic" one, where he seeks, through his written representation of BEV, to subvert the socio-ideological discourse of his time. BEV indeed takes on a number of functions in The Adventures of Huckleberry Finn', in esthetic terms, it creates a comic effect at the beginning of the novel; in social terms, it identifies the speaker with his or her milieu; and in ideological terms, it conveys the author's position with regard to slavery and segregation. Since the translators may have had the French tradition of "proper writing" in mind, they have been only roughly successful in graphically recreating, in French, a language that characterizes Black voice as Twain had done in English. Therefore, the author concludes, failing to formally represent BEV in a text causes the entire ideology underlying it to be diluted, if not lost completely.
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Fidelity and The Gendered Translation
Rosemary Arrojo
pp. 147–163
AbstractEN:
Fidelity and The Gendered Translation — Postmodern theories of language have drastically changed the ways we view the translator's task and the relationships that can be established between the so-called original and its foreign versions. One of the most important insights brought about by such textual theories is the recognition of the translator's inescapable authorial role in the translated text. At the same time, an increasing awareness of the impact of gender-related issues to the production of meaning is beginning to encourage a promising union between feminism, contemporary textual theories, and the emerging discipline of translation studies. Such a union has begun to produce a new brand of politically motivated translations as well as an enlightening reflection on the issues of both translation and gender and to prompt some female translators to write about their feminist practice and strategies that explicitly subvert the original they disagree with. However, as I intend to argue, even though their work and theoretical comments do reveal that their voices have already conquered a much deserved space within the (still) predominantly essentialist scenario of patriarchal culture, they seem to be repeating some version of the same scenario which treats original and translations differently and which they rightly condemn in traditional theories of translation and gender. As they disguise their conscious intervention in the text they translate under the mask of some form of or to the same original they explicitly deconstruct, such translators fail to take their own sound insights seriously and run the unnecessary risk of jeopardizing their work.
FR:
Fidélité et traduction « sexuale » — Les théories postmodernes du langage ont radicalement changé la manière d'envisager la tâche du traducteur et les relations établies entre l'original et ses versions étrangères. L'un des apports les plus importants de ces théories du texte est de souligner que l'acte de traduire implique inévitablement la production des signifiés. Simultanément, la reconnaissance accrue de l'impact des facteurs sexuaux sur la production du sens est l'amorce d'une heureuse union entre le féminisme, les théories contemporaines du texte et la traductologie en émergence. Cette union a commencé à produire un nouveau type de traductions politiquement motivées, ainsi qu'une réflexion sur la traduction et les rôles sexuaux, et a incité certaines traductrices à décrire leur pratique et leurs stratégies féministes, par lesquelles elles subvertissent explicitement l'original lorsqu'il ne leur convient pas. Cependant — et telle est ma thèse —, même si leurs travaux et leurs commentaires théoriques prouvent que leur voix a déjà conquis un espace mérité dans le scénario essentialiste (encore) dominant de la culture patriarcale, elles semblent reproduire une variante du même scénario qui traite l'original et les traductions différemment, ce qu'elles condamnent pourtant dans les théories traditionnelles de la traduction et des rôles sexuaux — et avec raison. Déguisant leur intervention délibérée sous le masque d'un original — un autre ou le même, qu'elles déconstruisent de façon explicite —, elles ne prennent pas au sérieux leurs hypothèses pourtant pertinentes, ce qui risque inutilement de compromettre leurs travaux.
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Le vernaculaire noir américain : Ses enjeux pour la traduction envisagés à travers deux oeuvres d’écrivaines noires, Zora Neale Hurston et Alice Walker
Bernard Vidal
pp. 165–207
AbstractFR:
Le vernaculaire noir américain : Ses enjeux pour la traduction envisagés à travers deux oeuvres d'écrivaines noires, Zora Neale Hurston et Alice Walker - Zora Neale Hurston et Alice Walker font usage dans leurs oeuvres d'une langue autre, d'un sociolecte longtemps dénigré, le vernaculaire noir américain. Cette utilisation va bien au-delà de la simple caractérisation sociale de leurs personnages et constitue un geste contestataire, une revendication et une célébration. Dans ces conditions, la traduction annexionniste qui consisterait à avoir recours à des sociolectes effaçant totalement la négritude et la problématique raciale, tel le langage « paysan », apparaît comme une véritable mutilation des oeuvres. Il convient donc d'opérer le décentrement du texte-cible en y inscrivant la négritude. Les divers créoles à base française et les variétés du français parlées en Afrique noire peuvent fournir des marqueurs qui, sans relocaliser abusivement le texte-cible, serviront à cette fin.
EN:
Black English Vernacular at Issue: Translating the Work of Zora Neale Hurston and Alice Walker - Zora Neale Hurston's and Alice Walker's works are notable for their use of an Other language — the long-denigrated sociolect that is Black English Vernacular. This use goes well beyond the mere social delineation of the characters, and is at once an act of contestation, a reclamation and a celebration. Under these conditions, annexationist French translations, which resort to sociolects — "paysan" speech, for example — that completely erase both the negritude of the original and the problem of race, in fact constitute nothing less than a mutilation of the source texts. A possible solution would be to effect a decentering of the target texts by inscribing the originals' negritude
Comptes rendus
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Dirk Delabastita. There’s a Double Tongue: an Investigation into the Translation of Shakespeare’s Wordplay, with Special Reference to Hamlet. Amsterdam\Atlanta, Éditions Rodopi B.V., 1993, 522 p.
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Yves Gambier and Jorma Tommola, eds. Translation and Knowledge. SSOTT IV. Scandinavian Symposium on Translation Theory. TURKU, 4.-6. 6. 1992 Turku, Grafia Oy/Kansikuva: Maria Kald, 1993, 417 p.
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Clem Robyns, ed. Translation and the (Re)production of Culture. Selected Papers of the CERA Research Seminars in Translation Studies 1989-1991. Leuven, CERA Chair for Translation, Communication and Cultures, 1994, 321 p.
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« Niveaux de langue et registres en traduction », colloque international du Centre de recherches en traduction et en stylistique comparée de l’anglais et du français (17-18 juin 1994), Université de Paris III, Sorbonne Nouvelle.
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TRADTERM, revue du Centre interdépartemental de traduction et de terminologie de la Faculté des lettres et des sciences humaines de l’Université de Sao Paolo. Volume I, no 1 (1994).