Volume 45, numéro 2 (134), hiver 2020 Jacques Poulin Sous la direction de Jimmy Thibeault
Sommaire (14 articles)
Dossier
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JACQUES POULIN : UNE POÉTIQUE DE L’ENTRE-DEUX
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LE COMPLEXE DU SCAPHANDRIER : l’écriture du soi dans l’oeuvre de Jacques Poulin : de l’isolement à l’universel
Jimmy Thibeault
p. 13–31
RésuméFR :
Il y a, dans le roman Volkswagen Blues, cette image du complexe du scaphandrier pour décrire une période de replis sur soi vécue par le personnage de Jack Waterman. Dans le chapitre où il en est question, Waterman pose sa condition d’écrivain comme une condition qui le pose en marge de la vie qui passe et qui amène avec elle les gens qu’il aime sans qu’il s’en rende compte. La description fait certainement référence au rapport que Jack entretient avec son frère Théo, mais on peut aussi l’appliquer aux protagonistes des romans qui précèdent Volkswagen Blues, des êtres marginalisés qui se coupent du monde qui les entoure. À la sortie de sa crise, Jack Waterman précise que le mouvement de replis sur soi, d’isolement, que représente l’image du scaphandrier a cependant ceci de rassurant qu’il sait que quelqu’un reste à la surface pour veiller sur soi et pour actionner la pompe qui donne de l’air. Si dans les premiers romans, l’isolement semble complet, conduisant certains à une sorte de suicide social, il n’en est rien dans Volkswagen Blues puisque la Grande Sauterelle reste à la surface pour prendre soin de lui. À partir de ce moment, on relève dans l’oeuvre un changement dans son rapport du soi avec le monde. Tout se passe comme s’il y avait un désir plus marqué d’aller vers l’autre, d’accepter le besoin que le soi a de l’autre et que cet autre a de soi.
EN :
In the novel Volkswagen Blues, the image of the deep-sea diver’s complex is used to describe a period of withdrawal experienced by Jack Waterman. In the chapter where this occurs, Waterman defines his condition as a writer as one that puts him on margins of life; life, as it passes by, brings him the people he loves without him realizing it. This description clearly refers to Jack’s relation with his brother Théo, but it can also be applied to protagonists of earlier novels: marginalized people who cut themselves off from the world around them. As he emerges from his crisis, Jack Waterman says that the movement toward withdrawal and isolation represented by the image of the deep-sea diver has something reassuring about it, because he knows there is someone at the surface who is watching over him and who will activate the pump that gives him air. In previous novels, isolation appears to be complete, leading some characters to a kind of social suicide, but this is not the case in Volkswagen Blues where Grande Sauterelle stays at the surface to take care of him. From this point on, there is a change in the relation of self to world as depicted in Poulin’s work. There seems to be a stronger desire to go towards the other, accepting the other’s need for oneself and one’s own need for the other.
ES :
Existe, en la novela Volkswagen Blues, esta imagen del complejo del buzo para describir un periodo de repliegue sobre sí mismo que vive el personaje de Jack Waterman. En el capítulo en el cual se trata este tema, Waterman plantea su condición de escritor como una condición que lo sitúa al margen de la vida que pasa y trae consigo a la gente a la que él ama sin que se dé cuenta de ello. No cabe duda que la descripción se refiere a la relación que mantiene Jack con su hermano Théo, pero también se puede aplicar a los protagonistas de las novelas anteriores a Volkswagen Blues, unos seres marginalizados que se aíslan del mundo que los rodea. Al salir de su crisis, Jack Waterman precisa que el movimiento de repliegue sobre uno mismo, de aislamiento, que representa la imagen del buzo, tiene sin embargo algo que tranquiliza: sabe que alguien permanece en la superficie para velar sobre uno y accionar la bomba que proporciona aire. Si bien en las primeras novelas el aislamiento parece total, conduciendo seguramente a una especie de suicidio social, no hay nada de esto en Volkswagen Blues, puesto que, al igual que La Grande Sauterelle (La Langosta Grande, apodo que le da el protagonista a una mestiza que tiene las piernas largas), permanece en la superficie para cuidar de él. A partir de este momento, se observa en la obra un cambio en su relación del uno con el mundo. Todo sucede como si hubiera un deseo más marcado de ir hacia el otro, de aceptar la necesidad que el uno tiene del otro y que este otro tiene de uno.
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À CHEVAL SUR LA FRONTIÈRE ENTRE DEUX ÉTATS : figure chevaline et représentations identitaire, culturelle et spatiale dans Faites de beaux rêves de Jacques Poulin
Isabelle Proulx
p. 33–51
RésuméFR :
Faites de beaux rêves de Jacques Poulin raconte les aventures de Limoilou, d’Amadou et de son frère Théo lors d’une joyeuse escapade au Mont-Tremblant où ils assistent au Grand Prix du Canada de Formule 1. Entre les courses des « dix mille chevaux lâchés d’un coup » sur la piste, ce trio de gais lurons passera son temps « à inventer toutes sortes d’histoires ». La mise en récit du réel et de l’imaginaire sera pour eux l’occasion d’une véritable « métamorphose ludique de l’ego » (Ricoeur). Incarnant une sorte de Don Quichotte québécois aux allures de mousquetaire chevaleresque et de cowboy téméraire, Théo s’avèrera être à la fois un modèle et un guide pour Amadou, « commis aux écritures » en quête de son identité. Cette étrange petite fable poulinienne est en quelque sorte une invitation amicale à se laisser prendre au jeu de la littérature, autrement dit, à apprendre à rêver le monde autrement.
EN :
Jacques Poulin’s Faites de beaux rêves relates the adventures of Limoilou, Amadou and his brother Théo during a fun-filled outing to Mont-Tremblant where they attend the Canadian Formula One Grand Prix. Between races involving “dix mille chevaux lâchés d’un coup” on the track, the merry threesome spend their time “à inventer toutes sortes d’histoires.” Shaping real and imaginary elements into a narrative becomes an opportunity for them to experience a genuine “métamorphose ludique de l’ego” (Ricoeur). Théo, a kind of Québécois Don Quixote bearing himself like a chivalrous musketeer/reckless cowboy, is both model and guide for Amadou, “commis aux écritures” who is searching for his identity. Poulin’s strange little fable is a friendly invitation to enter the playful world of literature or, in other words, to learn to dream the world differently.
ES :
Faites de beaux rêves (Tengan ustedes hermosos sueños) de Jacques Poulin, cuenta las aventuras de Limoilou, Amadou y su hermano Théo durante una alegre escapada a Mont-Tremblant, donde asisten al Gran Premio de Canadá de Formula I. Entre las carreras de los «diez mil caballos que se sueltan de golpe» en la pista, este trío de jaraneros se pasa el tiempo «inventando toda clase de historias». El relato de lo real y lo imaginario es para ellos una oportunidad para una «verdadera metamorfosis lúdica del ego» (Ricoeur). Encarnando una especie de Don Quijote quebequense con aspecto de mosquetero caballeresco y de vaquero temerario, Théo resulta ser a la vez un modelo y un guía para Amadou, oficinista de poca categoría a la búsqueda de su identidad. Esta extraña fabulita a lo Poulin es en algún modo una amistosa invitación a caer en el juego de la literatura; dicho de otro modo, a aprender a soñar con un mundo diferente.
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MÉTIS IMAGINAIRES, PENSÉES MÉTISSES ET IMAGINAIRE MÉTISSÉ CHEZ JACQUES POULIN
Pamela V. Sing
p. 53–67
RésuméFR :
Aujourd’hui, il serait problématique d’imaginer que le « grand roman de l’Amérique » puisse ne pas inclure des personnages et des thèmes autochtones. Cependant, la représentation d’Autochtones par des auteurs allochtones s’avère une entreprise tout aussi problématique. Comment s’y prendre en évitant les images fausses, réductrices, soit d’une manière respectueuse et bien informée ? Dans cet article, Pamela Sing propose des éléments de réponse à cette question en examinant le rôle joué par le personnage de la Métisse dans Volkswagen Blues et dans L’homme de la Saskatchewan de Jacques Poulin.
EN :
Today, imagining the “great American novel” without any Indigenous characters or themes would be seen as problematic. Equally problematic, however, is the representation of Indigenous characters by non-Indigenous writers. How can this be done in a respectful and well-informed way, avoiding false and reductive images? Pamela Sing suggests possible answers by examining the role of the Métisse in Jacques Poulin’s Volkswagen Blues and L’homme de la Saskatchewan.
ES :
Hoy en día sería problemático imaginar que la «gran novela de América» pudiera no incluir personajes y temas indígenas. No obstante, la representación de indígenas por autores no indígenas resulta una empresa igual de problemática. ¿Cómo actuar evitando las imágenes falsas, reductoras, esto es, de una manera respetuosa y bien informada? En este artículo, Pamela Sing propone elementos de respuesta a esta cuestión al examinar el papel que desempeña el personaje de la indígena en Volkswagen Blues y L’homme de la Saskatchewan (El hombre de Saskatchewan), de Jacques Poulin.
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« CONNAISSEZ-VOUS CET HOMME ? » : pour une poétique du genre policier dans l’oeuvre de Jacques Poulin
Stefania Cubeddu-Proux
p. 69–81
RésuméFR :
« Connaissez-vous cet homme ? » demande Jack Waterman, une photo à la main, à Ferlinghetti dans Volkswagen Blues (1984). Bien que les romans de Jacques Poulin ne puissent à proprement parler être considérés comme des romans policiers, ils ne cessent de flirter avec le genre. Les enquêtes, les poursuites, les personnages-détectives, les dialogues évoquant les classiques de la littérature autant que du cinéma noir abondent dans son oeuvre. Cette relation se renforce d’ailleurs si l’on considère la démarche ludique que cette oeuvre sollicite sans cesse et qui pousse son lecteur à jouer avec elle. La poétique de l’entre-deux est lisible alors dans l’ambiance particulière qui baigne cette écriture, entourée de flou, comme d’une sorte de brouillard qui rappelle celui qui enveloppe tant de scènes au cinéma comme dans l’oeuvre de Poulin. Dans cette démarche, la ville, cadre récurrent du genre, s’impose avec le jeu des objets et des situations qu’elle offre à l’écriture. Cette ville est bien évidement la ville de Québec, si essentielle à l’oeuvre, où elle est plus qu’un simple décor, le pôle d’attraction de l’action, du mouvement des personnages. À travers cette étude, menant l’enquête à son tour, l’auteure se propose d’interroger la présence du registre policier dans cette oeuvre, afin de dévoiler — ou peut-être pour mettre à mal — l’énigme policière poulinienne.
EN :
“Connaissez-vous cet homme?” is the question Jack Waterman asks Ferlinghetti, photo in hand, in Volkswagen Blues (1984). Although Poulin’s novels cannot properly be described as crime novels, they are always playing with this genre. Investigations, chases, detectives, and dialogues referring to noir literary and film classics are frequent. The relationship is even stronger if we consider the playfulness that Poulin’s work constantly solicits, drawing the reader into the game. A poetics of the in-between characterizes the special atmosphere that surrounds the writing: a blurred, fog-like quality shared by countless movies as well as scenes in Poulin’s work. The urban setting that is a recurring feature of the crime genre is a necessary feature, providing the writing with a shifting set of objects and situations. The city, of course, is Québec, a key element of the work: more than a mere backdrop, it is a powerful force affecting the novel’s action and its characters’ movement. In this article, the author herself becomes an investigator, questioning the presence of the crime novel register in Volkswagen Blues and seeking to elucidate—or perhaps roughly interrogate—the enigma of Poulin as a crime novelist.
ES :
«¿Conocen ustedes a este hombre?», pregunta Jack Waterman, con una foto en la mano, a Ferlinghetti en Volkswagen Blues (1984). Aunque las novelas de Jacques Poulin no pueden, hablando con propiedad, considerarse como novelas policíacas, no dejan de coquetear con este género. Abundan en su obra las encuestas, las persecuciones, los personajes-detectives, los diálogos que evocan tanto los clásicos de la literatura como el cine negro. Por cierto, esta relación se refuerza si se considera el enfoque lúdico que dicha obra solicita constantemente y lleva a su lector a jugar con la misma. La poética del intervalo es entonces legible en el ambiente particular en el cual esta escritura está inmersa, rodeada de imprecisión, como una especie de niebla que recuerda aquella que rodea tantas escenas en el cine y en la obra de Poulin. En este enfoque, la ciudad, marco recurrente del género, se impone con el juego de los objetos y las situaciones que ofrece a la escritura. Dicha ciudad es evidentemente Quebec, tan esencial para la obra, donde más que un simple decorado, es el polo de atracción de la acción, del movimiento de los personajes. A través de este estudio, dirigiendo a su vez la encuesta, la autora se propone interrogar la presencia del registro policial en esta obra, a fin de desvelar -o quizás para echar a perder- el enigma policial de Poulin.
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UNE PETITE MUSIQUE DE VIE : références et analogies musicales dans les romans de Jacques Poulin
Hélène Destrempes
p. 83–94
RésuméFR :
Les romans de Jacques Poulin accordent un rôle de première importance à la musique et tout particulièrement à la chanson, notamment à la chanson française. Cette dernière est inscrite en filigrane des principaux romans de l’auteur, de Volkswagen Blues à Un jukebox dans la tête, en passant par Le vieux Chagrin, autant de titres évoquant la nature profondément musicale de son oeuvre. Cette présence de la chanson n’est d’ailleurs pas étrangère à « la petite musique » des romans de Poulin, qui lui confère une tonalité si singulière. Dans le cadre de cette étude, il sera plus particulièrement question du réseau de correspondances musicales traversant les romans de Jacques Poulin et de l’importance majeure de cette dimension du texte comme relais interprétatif de l’oeuvre poulinienne.
EN :
The novels of Jacques Poulin give great emphasis to music and songs, especially French songs. The latter run through Poulin’s major novels, from Volkswagen Blues to Un jukebox dans la tête and Le vieux chagrin—all titles referring to the profoundly musical nature of his work. The presence of songs is part of the “little music” that give the novels such a singular tone. This article focuses on the network of musical correspondences appearing throughout Poulin’s novels and the importance of this dimension of the text as an interpretive vantage point.
ES :
Las novelas de Jacques Poulin otorgan un papel de primera importancia a la música y en particular a la canción, sobre todo a la canción francesa. Esta última está inserta como filigrana en las principales novelas del autor, desde Volkswagen Blues hasta Un jukebox dans la tête (Una gramola en la cabeza), pasando por Le vieux chagrin (La vieja pena), otros tantos títulos que evocan la índole profundamente musical de su obra. Por cierto, esta presencia de la canción no es ajena a «la musiquita» de las novelas de Poulin, que le confiere una tonalidad tan singular. En el ámbito de este estudio, se tratará particularmente de la red de correspondencias musicales que atraviesan las novelas de Jacques Poulin y de la gran importancia de esta dimensión del texto como relevo interpretativo de la obra de Poulin.
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LE CYCLE DE JACK WATERMAN, OU LE GRAND ROMAN PULVÉRISÉ
Jean Morency
p. 95–106
RésuméFR :
En s’appuyant sur les trois grandes tendances qui informent les romans de Poulin (l’américanité, la francité et la franco-américanité), cet article vise à mettre en lumière comment la pratique de la série et du cycle romanesques a guidé l’écrivain dans la construction de son oeuvre. Cette sérialité, qui est caractérisée par le paradoxe résidant entre l’ambition secrète du grand roman et la modestie apparente du discours romanesque, a accompagné l’élaboration de ce qu’on a appelé le cycle de Jack Waterman, qui regroupe les romans publiés dans le sillage de Volkswagen Blues. Toutes ces oeuvres expriment bien les apories qui sont constitutives du grand roman américain et plus largement encore franco-américain.
EN :
Focusing on three major elements that shape Poulin’s novels—the condition of being American, of being French, and of being Franco-American—this article tries to understand how the construction of Poulin’s work has been guided by his use of the series and the novelistic cycle. Seriality—which paradoxically combines a secret ambition to produce a great novel with a seemingly modest novelistic discourse—is a feature of what we may call the Jack Waterman cycle, i.e., the novels published in the aftermath of Volkswagen Blues. All of these works express the aporias that are basic elements of the great American novel, and, more widely, of the great Franco-American novel.
ES :
Apoyándose en las tres grandes tendencias que informan a Poulin para sus novelas (la americanidad, la francidad y la franco-americanidad), este artículo aspira a poner en evidencia cómo la práctica de la serie y del ciclo novelesco ha guiado al escritor en la construcción de su obra. Esta serialidad, que se caracteriza por la paradoja que se sitúa entre la ambición secreta de la gran novela y la aparente modestia del discurso novelesco, ha acompañado la elaboración de lo que llamamos el ciclo de Jack Waterman, que reúne las novelas publicadas en las huellas de Volkswagen Blues. Todas estas obras expresan bien las aporías que son constitutivas de la gran novela estadounidense, y aún más ampliamente, franco-americana.
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BIBLIOGRAPHIE DE JACQUES POULIN
Études
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DIRE LE MAL : Arthur Buies, écrivain maudit
Caroline Proulx
p. 139–152
RésuméFR :
Si on reconnaît mieux aujourd’hui l’indéniable contribution d’Arthur Buies à la littérature québécoise, jusqu’à le considérer comme « le meilleur écrivain du xixe siècle », il n’en a pas toujours été ainsi, son oeuvre ayant suscité toutes sortes de réactions négatives jusque dans les années soixante. Dissimulée derrière le personnage de l’anticlérical et du pamphlétaire, s’y révèle — en particulier dams les Lettres sur le Canada et La Lanterne — une pensée sur la nature et la condition humaines qui mérite d’être étudiée précisément dans l’angle qui a fait de Buies un maudit. En travaillant sans relâche à circonscrire un certain symptôme collectif, Buies engage le lecteur à reconnaître les effets d’un « mal » qui déborde le cadre de son époque et, comme le font d’autres écrivains et penseurs avec lesquels il dialogue, à considérer la littérature comme le lieu de la transmission d’un savoir à la fois dérangeant et essentiel.
EN :
There is now greater recognition of Arthur Buies’s undeniable contribution to Québécois literature—he is even said to be “the best writer of the 19th century”. However, this has not always been the case, with a wide range of negative reactions to his work persisting into the 1960s. Concealed behind his anticlericalism and pamphleteering, he offers—especially in Lettres sur le Canada and La Lanterne—a way of thinking about human nature and the human condition that deserves to be studied precisely from the perspective that made Buies into a rejected “écrivain maudit”. Working tirelessly to define a collective symptom, Buies asks the reader to recognize the effects of an “evil” that goes beyond the framework of his time, and, like other thinkers and writers with whom he is in dialogue, to view literature as the place where a certain kind of knowledge, both disturbing and essential, can be transmitted.
ES :
Si se reconoce mejor hoy en día la innegable contribución de Arthur Buies a la literatura quebequense, hasta el punto de considerarlo como «el mejor escritor del siglo XIX», no siempre ha sido así, ya que, hasta los años sesenta, su obra suscitó toda clase de reacciones negativas. Disimulado detrás del personaje de lo anticlerical y lo panfletario, se revela –en particular con Lettres sur le Canada (Cartas sobre Canadá) y La Lanterne (La Linterna)– un pensamiento sobre la naturaleza y condición humanas que merece estudiarse precisamente bajo el ángulo que hizo de Buies un maldito. Trabajando sin descanso para circunscribir cierto síntoma colectivo, Buies incita al lector a reconocer los efectos de un ‘mal’ que desborda el marco de su época y, al igual que hacen otros escritores y pensadores con los cuales dialoga, a considerar la literatura como el lugar de transmisión de un saber a la vez inoportuno y esencial.
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« VERS UN ESPACE QUI PRENAIT VIE À CHAQUE FOULÉE » : puissance des Atavismes de Raymond Bock
Xavier Phaneuf-Jolicoeur
p. 153–167
RésuméFR :
Si certains ont perçu dans Atavismes (2011), recueil de Raymond Bock, un mouvement d’inquiétude, d’étiolement, de désespoir, cet article propose qu’il ne s’agit pas là de la finalité du livre : celui-ci affecterait plutôt le repli par entêtement vital, précisément pour échapper aux impasses. On étudie d’abord l’équivoque, qui est au coeur du recueil, à la lumière de manifestations de l’irrésolution chez les personnages, des brouillages qui marquent l’écriture et les voix de ces protagonistes, mais aussi de leurs élans de violence et de fuite. On avance ensuite, en s’appuyant sur la figure du coureur des bois — l’être de l’entre-deux, des risques et des possibles — que si Atavismes accélère, dans la fiction, le mouvement de la défaite, c’est moins pour déplorer un affaiblissement irrésistible que pour harnacher, de façon souterraine, les forces qui mènent à l’épuisement en espérant en tirer une détermination et une vigueur neuves.
EN :
While some have seen in Raymond Bock’s short story collection Atavismes (2011) a movement of dread, loss of vitality, and despair, this article argues that such is not the book’s aim. The affectation of withdrawal, produced by a vital stubbornness, is actually designed to provide a way out of a dead end. We first analyze the ambiguity that is at the heart of the short stories, focusing on the indecisiveness of certain characters, the murkiness of the writing and the protagonists’ voices, and their impulses towards violence and flight. Basing ourselves on the figure of the coureur de bois— which embodies risk, possibility, and the in-between—we argue that while Atavismes accelerates the movement of defeat in fiction, this is done not to lament an irreversible process of deterioration, but rather to harness, at a subterranean level, the forces that lead to exhaustion in hopes of gaining from them a renewal of strength and determination.
ES :
Si bien algunos percibieron en Atavismes (Atavismos) (2011), obra de Raymond Bock, un movimiento de inquietud, debilitamiento, desesperación, este artículo sugiere que no es ésta la finalidad de la obra: afectaría más bien el repliegue por terquedad vital, precisamente para escapar de los estancamientos. En primer lugar, se trata de analizar el equívoco, que ocupa el corazón del libro, a la luz de manifestaciones de la irresolución en los personajes, de las interferencias que caracterizan la escritura y las voces de estos protagonistas, pero también de sus arranques de violencia y de fuga. Luego el estudio establece, apoyándose en la figura del corredor de los bosques –el ser del intervalo, de los riesgos y los posibles– que si bien Atavismes acelera, en la ficción, el movimiento de la derrota, es menos para lamentar un debilitamiento irresistible que para aprovechar, de forma oculta, las fuerzas que llevan al agotamiento, a la espera de sacar de ello una determinación y un vigor nuevos.