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Quarante ans après la mort de l’écrivain, les romans d’Hubert Aquin ont continué de fasciner la critique littéraire et de susciter d’amples lectures aux présupposés interprétatifs variés, de choquer leurs interprètes et parfois même de provoquer la colère de lecteurs et de lectrices avides d’émancipation sociale ou communautaire, personnelle ou collective. Cette oeuvre romanesque, au-delà de la figure mythique de son auteur, a ainsi été (re) dessinée et montée (pour ne pas dire destinée) en tant que décor d’un théâtre politique au sein duquel l’objet d’affrontement, outre la composition d’un canon littéraire proprement québécois, en est devenu la constitution même de la communauté nationale. Or, le conflit interprétatif dont la réception de l’oeuvre aquinienne s’est montrée la scène ou le théâtre s’est non seulement déclaré de manière explicite entre des tendances critiques issues de mouvances politiques distinctes (aux herméneutiques différentes et parfois concurrentes), comme le féminisme et le nationalisme, mais s’est aussi joué de façon implicite à partir de tangences exégétiques certes divergentes, et pourtant également présentes au sein d’une même communauté interprétative. En témoigne, notamment, le cas particulier des lectures féministes des romans d’Aquin – auxquelles s’intéresse plus précisément cet article – et des usages politiques pour le moins contrastés auxquels elles ont tour à tour prêté l’oeuvre aquinienne, lesquels en ont fait autant un objet de domination que d’émancipation.